Lettre 849 de Claude Nicaise Ă  Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée, adressée. (F. et It.)
Archives de la Fondation Turrettini (Genève), 1/Gd.N.3

Budé, Lettres, II, p.334-340.

Il faut... commencer

Nicaise félicite JA qui a été reçu ministre de l'Église italienne et lui demande s'il ne craint pas que cela ne suscite de la jalousie, notamment parmi les ultramontains. Mais JA ne doit pas s'en soucier beaucoup. Nicaise remercie son correspondant du soin qu'il s'est donné pour les livres qu'il lui avait demandés [Blount, Schediasma; Blount, Censura; Cave, Scriptorum] et de la nouvelle qu'il lui a communiquée sur la découverte des lacunes de Longin. Cela le console de celles qu'il a reçues de Paris et de Hollande. De Paris, on lui écrit que ses conjectures sur le paquet de Hollande retenu par Toinard étaient justes en fin de compte. Le correspondant qui lui a écrit à ce sujet dit que Toinard a des manières étranges pour un homme de lettres et pour un homme d'honneur. Un autre lui écrit que Toinard est devenu invisible ces derniers temps et qu'il travaille à son Harmonie et non pas à ce qu'on croit. Bayle n'a pas encore reçu son livre sur le Nouveau Testament de Mons [Discussion de la Suite, 1693] mais seulement l'Éloge qu'en a fait le Journal des sçavans; il ne peut pas s'imaginer que cette critique soit de Toinard mais il l'apprendra par l'Apologie d'Arnauld et de Bouhours. Bayle lui mande aussi qu'on lui a écrit quelque chose sur la gazette des savants ou Depeches du Parnasse dont le dessein lui paraît utile et agréable; il espère que cela continuera. Il ne savait pas que le livre sur l'eucharistie de Pellisson avait été imprimé et qu'on le contreferait sûrement à Amsterdam comme ses Réflexions sur les différences de religion. On réimprime à Leyde les œuvres de Lilio Gregorio Giraldi qui étaient devenues très rares. On attend incessamment à Leipzig le Pausanias de Kuehn [1696] et le Julien d'[Ézéchiel] Spanheim [1696]. On réimprime en Flandre le livre du général des jésuites [Gonzalez de Santalla] sur la probabilité [Fundamentum theologia moralis]: c'est un gros volume fait à la manière des scolastiques qui montre une certaine netteté d'esprit. L'imprimeur de Genève qui avait donné au public les Galanteries de la cour de France [de Vanel] et qui pensait en débiter beaucoup d'exemplaires en Hollande, a été détrompé car un libraire d'Amsterdam l'a contrefait avant même l'arrivée des exemplaires. On attend d'un jour à l'autre un ouvrage publié en Allemagne sur la morale de Pythagore, publié par Omeis, professeur de Nuremberg; l'auteur, qui fait toute l'histoire du philosophe et de sa méthode, a dû piller le traité de Scheffer sur la Philosophia italica. Worm, un Danois, a publié à Copenhague un livre De corruptis antiquitatum apud tacitum et martialum vestigiis. Un jeune professeur de Helmstadt, qui s'appelle van der Hart et qui est très savant en langues orientales, a publié douze dissertations sous le titre d'Ephemeridum philologicarum sur diverses matières de critique théologique. Il y exprime des vues plutôt singulières sur la nudité de Moïse, la femme de Loth etc. Il y a depuis peu une satire impertinente intitulée Scarron apparu à Madame de Maintenon. Perizonius vient de publier deux dissertations De originibus babylonicis qui réfutent les opinions de Marsham qui faisait remonter la fondation de la ville à l'époque de Romulus. Il montre entre autres que le passage de Pline à ce sujet est corrompu; or ce passage a été en partie corrigé par Hardouin mais l'auteur n'en dit pas un mot. L'évêque de Salisbury [Gilbert I Burnet] a publié en anglais plusieurs discours adressés à des ecclésiastiques de son diocèse sur différentes matières de religion [Four Discourses] ; il y a joint une longue préface. Il n'a pas encore reçu le livre que Galland lui adresse et qui est dédié à Bignon sous le titre de Les paroles remarquables. Il envoie ses salutations à [Jean-Robert] Chouet, à [Nicolas] Fatio [de Duillier], qui est de retour à Genève, et à [Ami Chapeaurouge-(?)] Dauphin. Il ajoute par la suite quelques nouvelles de l'Académie française: Perrault, le chef des modernes, a coulé à fond les anciens: il aura l'honneur d'occuper les premières pages du livre [le Dictionnaire de l'Académie] mais il a dû essuyer le déshonneur de la place qu'il occupe dans les nouvelles remarques de [Boileau-]Despréaux. Les compétiteurs de Perrault font imprimer chacun une épître et font prendre du retard à un ouvrage que le public attend depuis longtemps. Le livre de Furetière [Dictionnaire, 1694] renchérit comme le blé à la veille de la récolte. La place de [Philippe Goibaud-]Dubois sera occupée par [Charles] Boileau. On ne fait que lanterner maintenant en matière d'éloges et le mot de Lantronicus convient davantage aux académiciens de Toulouse que celui de lanternistes.

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