Les éditions de la correspondance du XVIIIe siècle

Quatre-vingt-quatre pour cent des lettres qui composent le corpus – précisément 4’182 unités – sont entièrement inédites. Les 813 qui restent ont fait l’objet d’une publication intégrale ou partielle[1], parfois dans le cadre de monographies ou d’articles consacrés soit à Turrettini, soit à l’un ou à l’autre de ses correspondants, soit à d’autres sujets historiques ; dans des cas très rares on ne connaît la lettre que par la publication qui en a été faite.

Il n’a pas existé au XVIIIe siècle de projets éditoriaux relatifs à la correspondance de Turrettini, lui-même n’ayant pas laissé de traces faisant penser qu’il envisageait une telle possibilité. Les huit lettres isolées qui ont été publiées, dont sept de son vivant, ne s’insèrent en effet nullement dans cette perspective mais plutôt dans un contexte d’ordre hagiographique, théologique ou historique; en voici la liste:

  1. lettre d'ouverture du controversé Sermon sur la charité que Turrettini avait prononcé, avec un certain retentissement, à Genève en 1696 et qui sera publié l'année suivante[2]. Adressée à la Compagnie des pasteurs, qui avait souhaité la publication de la pièce et à laquelle Turrettini s’était plaint des attaques dont il avait fait l’objet en raison de ses prises de position en faveur des réfugiés huguenots, elle est conservée, dans sa forme autographe, dans les archives familiales. On peut hasarder l’hypothèse que la publication de la lettre, en tête de l’ouvrage, a eu le but de légitimer le texte homilétique lui-même par le soutien que lui manifestaient les autorités ecclésiastiques
  2. épître dédicatoire à William Wake, qui figure dans la Nubes Testium publiée par Turrettini  en 1719[3] et dont on ne garde pas de trace manuscrite. Le choix du destinataire s’imposait ; en dédiant l’ouvrage à l’archevêque de Canterbury, le théologien genevois plaçait son projet de réunification intra-protestante sous un patronage illustre, en lui conférant une autorité indéniable et incontestée
  3. épître dédicatoire adressée par Jean I Barberyrac à Turrettini et mise à la tête de la traduction qu’il a publiée en 1722 des Sermons de l’archevêque de Canterbury John Tillotson[4] dans le but de promouvoir, par le rapprochement entre la figure du haut prélat anglais et celle du théologien genevois, une sorte d’internationale protestante modérée, tolérante, encline à la paix davantage qu’à l’esprit querelleur.
  4. lettre envoyée par Turrettini à Pierre Bayle en 1700 et connue seulement par  la publication de l’extrait qui en a été faite dans la IIIe édition du Dictionnaire historique et critique[5]. Elle fournit des renseignements bibliographiques et semble avoir un  caractère  purement érudit 
  5. lettre adressée en 1719 à Wake au nom de la Compagnie des pasteurs et co-signée avec Isaac Lefort, qui avait paru dans la Bibliotheca historico-theologico-philologica de 1720[6] ; elle constitue l’une des pièces du projet de réunification, apologie d’une Genève idéale, bienveillante à l’égard des luthériens et sincèrement iréniste, et d’une Église anglicane admirable dans son exemplarité
  6. lettre adressée également à Wake en 1718 et conservée à Oxford mais publiée presque dix ans plus tard, en 1727, dans la Bibliothèque germanique[7] : très dense du point de vue théologique, elle constitue un véritable plaidoyer contre l’héritage orthodoxe
  7. lettre envoyée en 1728 au pasteur luthérien allemand August Gotthelf Graff et publiée l’année suivante dans la Bibliothèque raisonnée[8]; elle plaide en faveur de la libération des esprits de la superstition et se réclame de l’enseignement reçu du philosophe cartésien Jean-Robert Chouet.
  8.  lettre publiée après la mort de Turrettini mais datée d’une quinzaine de jours avant sa disparition en 1737, figurant dans l’« Eloge historique » que Jacob Vernet consacra à son maître en 1738[9] ; envoyée à Jean-Pierre de Crousaz, elle témoigne de la conscience que Jean-Alphonse avait de sa fin désormais très proche et c’est dans cet esprit qu’elle a été publiée.

 

[1] Nous comptons comme comme éditée aussi la vingtaine de lettres très partiellement publiées, en signalant chaque fois qu’il ne s’agit que d’une ou de quelques phrases.

[2] Voir Sermon sur la charité, Genève, De Tournes, 1697. Il s’agit de la lettre qui porte le n. 1031 de l’inventaire (dorénavant l. suivi du chiffre correspondant et placé après la référence bibliographique). Sur ce sermon, voir M.-C. Pitassi, « D’une Parole à l’autre : les sermons du théologien genevois Jean-Alphonse Turrettini (1671-1737) », in Eadem, Jean-Alphonse Turrettini (1671-1727). Les temps et la culture intellectuelle d’un théologien éclairé, Paris, Champion, 2019, p. 163-185.

[3] Voir J.-A. Turrettini, Nubes Testium pro moderato et pacifico de rebus theologicis judicio, et instituenda inter Protestantes Concordia, Genevæ, Fabri et Barrillot, 1719 ; l. 2901

[4] Voir J. Tillotson, Sermons sur diverses matières importantes, Amsterdam, P. Humbert et J. F. Bernard, 1722, vol. Ier ; l. 3175.

[5] P. Bayle, Dictionnaire historique et critique, Rotterdam [en réalité Genève, Fabri et Barrillot], 1715, 4 vol., art. « Calvin », rem. F ; l. 1288.

[6] Bibliotheca historico-philologico-theologica, Bremæ, sumptibus J. A. Grimmi, 1718-1727, 8 vol  ; l. 2933.

[7] Voir Bibliothèque germanique, Amsterdam, P. Humbert, 1720-1740, 50 vol. ; l. 2901.

[8] Bibliothèque raisonnée des ouvrages des savans de l’Europe, Amsterdam, J. Wetstein et G. Smith, 1728-1753, 50 vol. ; l. 4013.

[9] J. Vernet, « Eloge historique de Mr. Jean Alphonse Turrettin, Pasteur et Professeur en Théologie et en Histoire Ecclésiastique à Genève », Bibliothèque raisonnée, juillet-août- septembre 1738, p. 5-472 ; l. 4932.