Lettre 3271 de Jean I Barbeyrac Ă  Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée, adressée. (F)
Bibliothèque de Genève, Ms fr 484 (f.233-234)

Phrases dans Meylan, Barbeyrac, p.141 (n.2).

Je recus hier... vôtre Lettre

Barbeyrac s'apprête à partir pour l'Allemagne avec sa famille pour y passer les grandes vacances. JA a bien reçu l'exemplaire de la traduction qu'il a faite du livre de Bijnkershoek [Traité du juge compétent] et son ami a bien raison de croire que la complaisance a eu une grande part dans ce travail de traduction que Barbeyrac a été obligé d'accepter en raison de l'importance de la personne qui le lui a demandé [Evert Joost Lewe van Aduard] ; l'auteur lui-même occupe aussi une fonction éminente et il était utile de nouer cette nouvelle relation. Les remarques que JA fait sur le peu de netteté de l'ouvrage sont exactes, l'auteur, par manque de temps et de grand savoir, s'étant exprimé de façon elliptique, ne voulant s'adresser qu'aux savants. Barbeyrac a essayé de limiter ce défaut dans une certaine mesure mais, comme traducteur, il ne pouvait pas aller trop loin. Il est déjà étonnant qu'on lui ait permis d'adjoindre des notes à la traduction d'un auteur vivant. Il n'était que partielllement au courant des changements intervenus à l'Académie de Genève; il ignorait la mort de [Bénigne] Mussard et, parmi tous les nouveaux professeurs établis, il ne connaît qu'[Ézéchiel] Gallatin. Il trouve que le choix de celui-ci pour la chaire de philosophie est très bon car c'est un homme à l'esprit net et juste. Il trouve aussi fort judicieux les nouveaux règlements concernant la profession de droit et pense que les autres académies, dans lesquelles on néglige fort le droit naturel, devraient s'en inspirer. Il a vu dans les gazettes la nouvelle lettre du roi de Prusse qui est très pressante [Friedrich Wilhelm I, "Aux Illustres", 1723] ; il y aura au moins l'avantage qu'on verra en Europe qu'il y a des États protestants où l'on commence à suivre l'esprit de la Réformation. Il pense que Berne et Zurich, s'ils ne consentent pas encore à l'abolition entière de la Formula Consensus, seront bien embarrassés à la refuser et useront donc davantage de modération. [Georges] Polier [de Bottens] lui a écrit que, avec les explications et modifications autorisées finalement par Berne, ils ne souhaitent plus l'abolition totale du Consensus, puisque les choses en sont revenues précisement au point où on les avait mises, ce dont l'Académie de Lausanne se serait contentée, si ses ennemis ne l'avaient pas attaquée. La brochure de Salchli [Stricturæ] peut faire ouvrir les yeux de ceux des hommes politiques de Berne qui ont secondé les passions et le zèle des théologiens. Il se peut que Davel, tout fanatique qu'il ait été, oblige Berne à traiter avec davantage de considération ses sujets du Pays de Vaud. Il est du reste étonnant que cette entreprise n'ait pas donné lieu à des mouvements fâcheux. [Jean-Pierre] de Crousaz a achevé d'imprimer sa logique latine; il travaille à un livre contre le pyrrhonisme [Examen], pour lequel le nouvel ouvrage posthume de Huet [Traité philosophique] lui fournira matière à réflexion. Il est étonnant qu'un auteur, qui a donné de si pauvres raisons dans sa Demonstratio evangelica, ait pu penser mettre en doute la certitude de ce que nous connaissons le mieux. Dans le dernier fascicule de la Biblioteca historico-critico-theologica, il y a une dissertation sur ce que Huet dit de Moïse et qu'il retrouve dans les auteurs païens [Hase, Animadversiones]. JA a dû voir les projets par souscription d'un Dictionnaire géographique par La Martinière et d'un recueil de lettres de savants par Burman [Sylloges]. Il a paru deux numéros de la Bibliothèque française, faite à l'imitation de la Bibliothèque anglaise, germanique etc. L'auteur est un jeune abbé nommé Camusat, qui avait fait la meilleure partie des Mémoires historiques et critiques. Il écrit bien mais il se révèle fort bigot, notamment pour ce qui touche à la religion, même si, quand il était à Amsterdam, il faisait preuve de modération. Il doit faire imprimer une Histoire des journaux. De Limiers, à qui les livres ne coûtent rien, a fait imprimer une Histoire de l'Académie de Bologne où il n'y a presque rien de lui. Marsigli, qui a fondé cette Académie, fait imprimer à Amsterdam une Histoire physique de la mer. La traduction française de Grotius [Du droit de la guerre, 1724] devrait paraître pour la fin de l'année; la marquis [Colbert] de Torcy a refusé, d'une manière honnête, la dédicace. Il devrait la faire au roi d'Angleterre [George I].