Lettre 2335 de LĂ©onard Baulacre Ă  Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée, adressée. Inédite. (F)
Archives de la Fondation Turrettini (Genève), 1/Gd.B.14

Il est bien tems... que je

Baulacre s'excuse d'avoir tardé à donner de ses nouvelles mais ce n'est que depuis peu qu'il a, à proprement parler, arrêté de voyager. Les lettres de recommandations de JA lui ont été très utiles puisqu'il a été bien accueilli partout: à Lausanne d'abord, ensuite à Neuchâtel où il a croisé [Jean-Frédéric I] Ostervald et enfin à Bâle où il s'est longuement entretenu avec [Samuel] Werenfels. Il a aussi rencontré un ministre [Theodor Gernler] qu'il avait cru avoir connu à Genève alors qu'il s'agissait de son frère [Johann Heinrich], comme il le découvrit bientôt. À Francfort, il a soupé avec [Jean-Antoine] Dautun qui lui a fait part de ses démêlés avec [Claude] Rivalier, à qui il a par la suite rendu visite. Il lui parla à cette occasion un peu fermement sur cette affaire, ce qu'il prit bien, mais Baulacre doute que les deux hommes puissent jamais s'entendre. À Amsterdam, il a rencontré l'illustre L[e] C[lerc, Jean] qui s'est sincèrement enquis de la santé de JA; Baulacre en a apprécié la franchise. Le Clerc lui a raconté que [Jacques] Saurin s'était plaint que son deuxième volume de Sermons n'avait pas été recensé dans la Bibliothèque choisie; qu'il n'avait pas pu le convaincre de ses raisons et avait dû en parler dans le tome XXV de son périodique. Baulacre s'est rendu à La Haye pour entendre le célèbre prédicateur: il dit de bonnes choses et devient de plus en plus éloquent. Tous les jeunes prédicateurs le prennent comme modèle. À La Haye, il s'est aussi entretenu avec La Placette qui souhaitait voir le Sermon sur la charité de JA; Baulacre lui en a dit quelques mots et notamment le sens dans lequel la charité est prise, à savoir l'amour du prochain. Le théologien a paru un peu surpris; et il aurait été souhaitable qu'il eût connu cette explication avant de rédiger son traité de l'amour de Dieu [Dissertations sur divers sujets de morale], où il dit que toutes les actions qu'on fait sans amour de Dieu ne lui plaisent pas. En outre il tire des conséquences infinies que l'explication de JA invalide. Il n'imprimera pas son Traité de la justification pour ne pas irriter les orthodoxes. C'est en tout cas un homme extrêmement aimable et modeste. Il envoie ses salutations à JA de même que les autres messieurs de La Haye. Il y a vu Baux chez mylord [Arnold Joost Kappel] d'Albemarle. Il y a une dizaine de jours le prince Eugène [de Savoie] s'est rendu à dîner chez [Jacques] Basnage. Le Mercure galant d'août 1711 relate ce qui est arrivé au poète Julien dont la pièce en vers sur l'enfant prodigue a changé de titre une fois imprimée: "parabole" tirée de l'Écriture est devenue "conte" tiré de l'Écriture. Après La Haye, Leyde apparaît bien morne, même si on peut jouir ici de la compagnie agréable de [Jacques] Bernard qui fait ses compliments à JA. L'Histoire du Concile de Constance de Lenfant est sous presse. Il y a à Leyde un professeur de théologie récemment élu, Wesselius, que les coccéiens attaquent par ce qu'il n'est pas dans leurs idées. Samuel Turrettini a laissé une très bonne impression de lui. [Jean] Frescarode, pasteur de Rotterdam, a été élu à Amsterdam. Tant mieux pour cette ville.

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