Lettre 4887 de Jean-Frédéric I Ostervald à Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée, adressée. (F)
Archives de la Fondation Turrettini (Genève), 1/Gd.O.2

Extrait dans Gretillat, Ostervald, p.LXIX-LXXI, n°130.

J'ai bien tardé

Ostervald remercie JA de lui avoir envoyé, par [Emer] Vattel, son excellente thèse sur les lois naturelles [De legibus naturalibus, pars secunda, 1736], dont il avait déjà apprécié la première partie. Il le remercie aussi de ce qu'il fera en faveur de Vattel, qui s'apprête à passer en Angleterre; on lui a conseillé de ne pas se faire recevoir au ministère avant son départ puisqu'il est plus difficile de trouver là-bas une condition en étant ministre. Ostervald est affligé d'apprendre que le calme n'est pas encore revenu à Genève et que JA en est très affecté; il faut qu'il considère qu'après l'orage il faut du temps pour calmer les eaux agitées. Il est en revanche fort réjoui de voir que JA se porte bien, comme le jeune [Antoine II] Maurice le lui a confirmé. Il fait quelques remarques sur les thèses de JA, bien qu'il soit convaincu que dans le fond tous deux pensent de la même manière. Il est d'avis qu'il faudrait définir le terme d'"utile" avant de discuter des rapports entre l'utile et le juste. En effet si, par ce terme-là, on entend ce qui profite à notre intérêt pour satisfaire des passions telles que l'avarice, l'orgueil etc., alors l'utile est directement opposé au juste; et prétendre que ce qui est juste est utile, ce serait ouvrir la porte à toute sorte de crimes. Mais il y a une autre utilité qui est bien différente puisque sa nature est spirituelle, consistant dans la paix et dans la tranquillité intérieures et dans la recherche du souverain bien, qui est l'union avec Dieu. En outre elle est générale et commune à tous les hommes et on ne peut pas se la procurer en portant préjudice à autrui. Si on considère l'utilité dans ce deuxième sens, qui est celui que tout homme raisonnable et tout chrétien doit partager, des objections du genre de celles dont parle JA tombent d'elles-mêmes. Ostervald est convaincu que JA et lui ont le même sentiment là-dessus, il s'agirait seulement de donner un petit éclaircissement. Dieu est charité et il n'a créé les hommes que pour les rendre heureux. Tout ce qui est juste est utile et tout ce qui est véritablement utile est juste: voici deux propositions réciproques et incontournables. Le 20 mai dernier, Ostervald a accompli sa cinquantième année de ministère, chose qui arrive à peu de pasteurs.

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