Lettre 170 de Jeremias Sterky à Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée, adressée. Inédite. (F)
Archives de la Fondation Turrettini (Genève), 1/Gd.S.25

Vous avez trop de

Sterky n'a pas écrit à JA, le sachant très occupé à des prédications françaises et italiennes ainsi qu'à une dispute publique. La nouvelle, que leur très cher père [Isnard du Terrier] lui a donnée du voyage désormais proche de JA, lui a inspiré des sentiments divers. Tout d'abord un certain dépit, puisque maintenant que sa santé va bien, il se proposait d'aller souvent voir son ami. Deuxièmement, une certaine appréhension pour JA lui-même qui s'apprête à entreprendre le voyage dans des conditions peu favorables. Tout l'avantage qu'il aura en France se réduira à la commodité des logis et des carrosses. Sterky lui-même a eu assez de plaisir à fréquenter la Sorbonnne particulièrement lorsqu'il y avait des disputes. Quant à la Hollande, les académies n'y sont plus ce qu'elles étaient. Quand Sterky y a assisté aux cours, elles jouissaient d'une situation de paix et il y avait des hommes, comme Wittichius et Le Moyne, qui faisaient beaucoup pour les étrangers. Il est vrai aussi que JA s'occupera davantage à rendre visite aux grands hommes plutôt qu'à fréquenter les académies ou assister aux leçons mais il faut essayer de faire les deux et s'employer toujours activement soit à opposer soit à soutenir. JA s'arrêtera probablement à Rotterdam, où vivent de grands hommes tant pour l'Église que pour l'enseignement mais Sterky ne sait pas s'ils font des leçons réglées. Il ne connaît à Leyde actuellement que deux professeurs de théologie, [Friedrich] Spanheim, son précepteur et promoteur, et Trigland, son bon ami. Les deux ont une grande vénération pour feu le professeur [François] Turrettini. Ils se feront donc un plaisir d'aider son fils. Les oncles de JA [Bénédict II et Étienne Turrettini], de leur côté, y ont beaucoup de connaissances qui pourront aider JA dans le domaine pratique. Il faut que JA prenne soin de sa santé, en faisant notamment attention au froid, en Hollande, qui est saisissant, en sortant le matin avec quelque chose dans l'estomac, en n'abusant pas de bière et en buvant un peu de vin après les repas. Il l'incite aussi à attendre une saison un peu plus douce pour partir. Pour ce qui est de la théologie de feu le père de JA [Institutio, 1688-1690], elle ne se trouve pas dans la Bibliothèque académique puisqu'on a estimé que tous les professeurs souhaiteraient en avoir un exemplaire personnel, ce qui est effectivement le cas. Sterky, qui l'a entendue presqu'entièrement expliquée de vive voix par feu le professeur et en possède une partie manuscrite, est le seul à ne pas la posséder. Il en a donc fait venir plusieurs exemplaires mais il les a donnés à ses étudiants comme vademecum théologique au moment de leur départ pour leurs voyages. Il sait du reste où trouver cet ouvrage quand il aurait le temps d'étudier la théologie. On en a fait un abrégé à Berne, qui fait un gros in-8° [Summa theologiæ, 1690]. Malheureusement, on en a changé ce qu'il y avait de mieux, à savoir la méthode. On a en effet pris les questions du Compendium de Ryssen [Summa theologiæ, 1676] et on y a mis, en abrégé, les arguments de Turrettini. Ce livre aura du succès car il flatte la paresse des gens.

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