67 Lettres

Lettre 3898 de Jacques Saurin à Jean-Alphonse Turrettini

La Haye 13.12.1727

Je dois reponse

JA avait écrit à Saurin une lettre de recommandation en faveur de Jahier mais celui-ci l'a informé que les États d'Utrecht lui avaient entre-temps alloué une pension. Saurin partage la douleur de JA à l'occasion de la mort de son parent [Samuel Turrettini] et l'éloge qu'il en fait. Il a communiqué à plusieurs personnes de considération les bruits désavantageux qui couraient sur Genève et dont JA l'avait informé. Il a été ravi de faire son possible pour effacer certaines mauvaises impressions que...

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La Haye 13.12.1727


Lettre autographe, signée, adressée. (F)
Archives de la Fondation Turrettini (Genève), 1/Gd.S.9

Budé, Lettres, III, p.299-307. Omissions.


Je dois reponse


JA avait écrit à Saurin une lettre de recommandation en faveur de Jahier mais celui-ci l'a informé que les États d'Utrecht lui avaient entre-temps alloué une pension. Saurin partage la douleur de JA à l'occasion de la mort de son parent [Samuel Turrettini] et l'éloge qu'il en fait. Il a communiqué à plusieurs personnes de considération les bruits désavantageux qui couraient sur Genève et dont JA l'avait informé. Il a été ravi de faire son possible pour effacer certaines mauvaises impressions que ces bruits avaient causées. Sur demande du comte [Johan Handrick] de Wassenaer, Saurin demande à JA de nommer les personnes qu'il estimerait capables de remplir des chaires à l'Université. Il voudrait aussi connaître l'avis de JA sur son compatriote [Charles] Chais, dont les manières douces et les sermons ont conquis beaucoup de monde. Certains pensent même à lui pour la succession de [Henri] Châtelain qui, chose encore jamais vue dans les Églises wallonnes, a demandé à quitter La Haye pour Amsterdam. Saurin ne saurait trop déplorer les ravages du coccéianisme. C'est une chose déplorable que, dans le pays du monde où la tolérance est poussée jusqu'à la licence, les Églises wallonnes adoptent des maximes de l'inquisition. Il en aurait fait les frais lui-même à plusieurs reprises s'il n'avait eu quelques solides appuis. Mais c'est une torture chaque fois qu'il doit publier quelque chose; il faut en effet qu'il soumette le manuscrit à deux Églises examinatrices qui nomment souvent des gens qui ne comprennent pas le français et qui, pour la plupart, n'ont pas le sens commun. On censure parfois des expressions raisonnables qu'on veut remplacer par d'autres qui ne le sont point. Il avait par exemple écrit que le dogme de la trinité était l'écueil de la raison humaine. Ce terme d'écueil a fait beaucoup de bruit au Consistoire de Rotterdam et on a fini par le remplacer par celui d'"aheurtement", ce qui en dit long. Ce genre de choses empoisonne son séjour, par ailleurs agréable, en Hollande. S'il avait des rentes suffisantes, il s'établirait à Genève. Il a bien connu [Crinsoz] de Bionnens chez de Durenvoorde où il a été quelques années; il lui avait même communiqué le manuscrit qu'il a écrit contre JA [Lettre de Mr T. C.] en lui demandant de le faire publier. Saurin a refusé pour deux raisons, la première parce que c'était une attaque contre JA, la seconde parce qu'il ne partageait pas ses opinions. De Bionnens voudrait en effet détruire une opinion de JA pour laquelle Saurin se ferait brûler, à savoir que les articles fondamentaux de la religion varient selon les circonstances, les talents, le génie des personnes. Il est vrai qu'à certains égards, les points fondamentaux sont toujours les mêmes mais il faudrait alors distinguer entre les articles fondamentaux de la religion et les articles fondamentaux du salut. Il concède que les premiers, à les considérer dans l'abstrait, sont invariables alors que les seconds varient à l'infini. La religion ne peut pas subsister si on nie qu'il y a un Dieu et que Jésus est le messie; on peut pourtant être sauvé sans recevoir ces deux articles si on manque par exemple de facultés naturelles ou si on est dans des circonstances telles qu'il est impossible de les connaître. De Bionnens lui a déjà envoyé son ouvrage imprimé et Saurin attend avec impatience la réplique de JA [Défense]. Saurin avait beaucoup entendu parler du Traité de la justification de de La Placette avec qui il a été très lié et il l'avait incité plusieurs fois à publier cet ouvrage. Il croyait qu'un homme qui a des idées si saines de la morale chrétienne utiliserait son génie contre ceux qui attribuent la justification à une foi de simple spéculation et au désir d'obtenir le pardon des crimes qu'on a commis. Malgré ses instances, La Placette n'accéda jamais à sa demande jusqu'au jour où il lui dit les raisons de sa froideur face à cette proposition. Il avoua avoir ajouté dans son ouvrage une nouve"lle partie pour réfuter ce que Saurin lui-même avait écrit sur la question de l'état de grâce dans son premier sermon publié [Sermon sur le renvoi de la conversion (?)]. En effet alors que Saurin estime que, pour acquérir l'état de grâce, il faut non seulement des actes de vertu mais aussi l'habitude, La Placette a recours à la notion scolastique que la justification se fait dans un instant, ce qui est contraire au système des habitudes. La Placette a fait lire la partie concernée à Saurin qui a été flatté d'avoir été réfuté par un homme comme lui ; il l'a incité à faire imprimer tout l'ouvrage, se réservant le droit de lui répondre sur la question de la grâce. Saurin a ajouté que c'est dans les ouvrages de La Placette lui-même qu'il puiserait ses arguments pour le réfuter en lui montrant que ce qu'il appelle grâce préparante, Saurin l'appelle acte. La Placette s'est finalement rendu à ses raisons et a déclaré ne pas vouloir publier son manuscrit. Saurin doit avouer que ce traité n'a pas répondu à ses attentes et qu'il l'a trouvé scolastique. Il s'en remet néanmoins au jugement de JA; ce serait de toute façon très facile de le faire imprimer, un libraire lui ayant déjà donné les conditions sous lesquelles on veut le livrer à l'imprimeur. Pour ce qui concerne sa position en Angleterre maintenant que le roi [George I] est mort, il doit dire qu'il a trouvé pleine satisfaction auprès de la reine [Caroline Wilhelmina] qui lui a dit, il y a quelque temps, qu'elle prendrait son frère [Louis] dans sa maison et que la pension de 200 livres sterling de Saurin lui serait conservée. Toutes ces promesses ont été tenues. Il voudrait qu'il en soit de même avec les pensions des autres réfugiés; il n'y a pas de raison de croire que les choses changeront mais pour le moment on est dans une incertitude pénible. Il ne sait pas comment [Pierre Pelet de (?)] Salgas a pu passer trois ou quatre semaines à Rotterdam sans venir à La Haye et sans demander des lettres de recommandation qui lui auraient été bien utiles en Angleterre. Il prie de communiquer tout cela à [Élisabeth] de Gozon. Il fait des vœux pour la santé chancelante de JA. Il est navré de ne pas avoir vu le travail de JA sur la pythonisse [Disputatio, pars quinta, 1726] avant l'impression de son ouvrage [L'État du christianisme] ; il aurait peut-être modifié ses opinions. En effet il n'a pas pu concilier ni le système de la fourberie ni celui de l'opération du démon avec la prophétie que cette femme a prononcée à Saül; il ne connaît pas d'oracle plus clair et plus accompli; il a donc dit que Dieu est intervenu d'une manière surnaturelle à cette occasion et que Samuel est apparu à Saül comme Moïse et Élie à Jésus-Christ.

Adresse

[Genève]


Lieux

Émission

La Haye

Réception

Genève

Conservation

Genève


Cités dans la lettre

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