5000 Lettres

Lettre 579 de Barthélemy Micheli du Crest à Jean-Alphonse Turrettini

Genève 03.02.1693 [24.01.1693]

Nous receusmes enfin hier

On a reçu la veille la lettre de JA datée du premier janvier. On en attendait une du 27 décembre dans laquelle JA aurait dit quelque chose, malgré sa modestie habituelle, de l'action qu'il venait de faire et de l'état de sa santé. Ils en ont appris des nouvelles avec plaisir des lettres de [Antoine II] Saladin, d'[Étienne] Seignoret et de Larrivée mais ils auraient aimé que JA en parlât. Enfin, il faut se contenter de ce qu'il veut bien leur apprendre. Par Larrivée, on a su que JA était parti po...

+ 2 pages

page 1

ms_fr_00488_f258r_ug63190_turrettini_file.jpg

page 2


ms_fr_00488_f258v_ug63191_turrettini_file.jpg

page 3

ms_fr_00488_f259r_ug63192_turrettini_file.jpg

page 4


ms_fr_00488_f259v_ug63193_turrettini_file.jpg

Genève 03.02.1693 [24.01.1693]


Lettre autographe, signée. Inédite. (F)
Bibliothèque de Genève, Ms fr 488 (f.258-259)


Nous receusmes enfin hier


On a reçu la veille la lettre de JA datée du premier janvier. On en attendait une du 27 décembre dans laquelle JA aurait dit quelque chose, malgré sa modestie habituelle, de l'action qu'il venait de faire et de l'état de sa santé. Ils en ont appris des nouvelles avec plaisir des lettres de [Antoine II] Saladin, d'[Étienne] Seignoret et de Larrivée mais ils auraient aimé que JA en parlât. Enfin, il faut se contenter de ce qu'il veut bien leur apprendre. Par Larrivée, on a su que JA était parti pour Cambridge; il devrait être de retour maintenant puisque le moment de son passage approche. Micheli ne lui dit rien là dessus car il lui en a déjà abondamment parlé. Il ne doit toutefois pas précipiter son retour et attendre le moment favorable pour le faire. Micheli est content de constater que ceux qu'on avait donnés pour morts à Genève ne le sont en réalité pas; c'est une chose du reste assez ordinaire dans le pays. Malheur à ceux qui s'attendaient à l'héritage. La conversion de l'épicurien [Saint-Évremond] ferait grand honneur à JA, il devrait faire cette bonne action avant de partir. Ce qu'il leur a dit des Mémoires de Temple les a désabusés de la bonne opinion qu'ils avaient auparavant de lui, qu'ils croyaient comme l'Évangile. Les réflexions que JA fait sur le livre de son ami [Abbadie, Défense] lui paraissent très judicieuses; JA semble heureusement revenu des maximes de [Jean-Antoine] Dautun sur le droit des peuples. C'est une matière difficile et dangereuse et les souverains, tout mitigés que soient les gouvernements, n'aiment pas qu'on vienne regarder jusqu'où va leur autorité et de qui elle dépend. Il faut tout de même convenir que si jamais le pouvoir souverain a été dans son lustre, il l'est aujourd'hui en France, dont l'état surprenant est un éloge de l'autorité despotique. La défense qu'elle sait opposer aux nations d'Europe, toutes liguées contre elle, est le fait de l'autorité absolue de son roi [Louis XIV] et de son pouvoir illimité. Il n'y a rien de particulier concernant les affaires du Piémont et de la Suisse; on ne connaît pas vraiment l'état du duc de Savoie [Victor-Amédée II]. Tout ce qu'on peut dire, c'est que les marchands de Turin, qui sont assez clairvoyants, ne font pas d'emplettes de draps noirs, ce qui laisse penser que la vie de leur souverain de n'est pas en danger. On fait venir des troupes du Milanais et du Montferrat et on fortifie les postes autour de Turin. Catinat s'est acheminé à son poste de l'abbaye d'Oulx d'où il peut voir de près les postes les plus avancés. On a donné à son neveu Pucelle, conseiller à Paris, la première présidence du parlement de Grenoble. On attend une escadre promise depuis longtemps dans la Méditerranée. Les Cantons protestants ont intimé à tous les pauvres réfugiés qui sont à l'assistance de se tenir prêts pour aller en Irlande; la grande chute des vivres a fait précipiter cet ordre. On a demandé un peu plus de temps afin d'y voir plus clair dans cet établissement. Micheli est convaincu qu'en l'état où est actuellement cette colonie, la plupart des réfugiés préfèrerait retourner en France plutôt que de s'y rendre. On est à Genève dans une période de grandes fêtes; aujourd'hui se célèbre le mariage de [Barthélemi] Pellissari qui méritera certainement une relation particulière et peut-être une place dans le Mercure galant. On sait que le temps que JA passera encore en Angleterre sera bien occupé; pourtant, quand il sera loin de cette île enchantée, lors du long voyage de retour, JA pourrait trouver le temps de parler un peu à la famille de l'Angleterre, de sa situation politique et ecclésiastique comme de ses habitants (mœurs, religion, habitudes, etc.). Il n'a jamais parlé non plus de l'Académie Royale des Sciences qui passe pour l'un des grands ornements de Londres. Il a de même gardé le silence sur la poésie et le théatre anglais alors qu'il eût été intéressant de faire le parallèle avec les français. Micheli n'a jamais entendu parler d'un opéra en anglais. JA n'a jamais dit non plus si on faisait des assemblées académiques, comme en faisait Justel dans le temps à Paris, par exemple, et dont on faisait grand cas. On a publié à Genève qu'il y avait eu à Londres un ministre qui, en mourant, s'était déclaré socinien et qu'on s'en était beaucoup plaint à l'évêque [Henry Compton] à qui on avait demandé davantage de précautions lors de l'admission. On aimerait aussi avoir des nouvelles des dames réfugiées et de personnes de qualité que JA a connues dans le temps. On doit recevoir au ministère cette semaine Desprès, Ruynat et Leyvraz.

Adresse

[Londres]


Lieux

Émission

Genève

Réception

Londres

Conservation

Genève


Cités dans la lettre

+ 2 pages

page 1

ms_fr_00488_f258r_ug63190_turrettini_file.jpg

page 2


ms_fr_00488_f258v_ug63191_turrettini_file.jpg

page 3

ms_fr_00488_f259r_ug63192_turrettini_file.jpg

page 4


ms_fr_00488_f259v_ug63193_turrettini_file.jpg