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Lettre 96 de Jean-Alphonse Turrettini Ă  Johann Heinrich Gernler

[Genève] 23.03.1688 [13/23.03.88]

Quelques iours apres

Au mois de décembre, JA avait donné une lettre pour Gernler au fils [Gabriel] de [Marc-Conrad Sarasin] de La Pierre qui s'en allait en Hollande retrouver son père. Il avait joint à sa lettre la harangue funèbre de son père [Pictet, Benedicta memoria]. Or, à son grand étonnement, il voit que Gernler n'a rien reçu de tout cela et se demande pourquoi le jeune homme ne s'est pas acquitté de la commission. Ce qui est le plus fâcheux, c'est que Gernler, n'ayant rien reçu de JA, lui a envoyé ses...

[Genève] 23.03.1688 [13/23.03.88]


Lettre autographe, signée, adressée. Inédite. (F)
Öffentliche Bibliothek der Universität (Basel), Ki. Ar. 130b 187 (n.f.)


Quelques iours apres


Au mois de décembre, JA avait donné une lettre pour Gernler au fils [Gabriel] de [Marc-Conrad Sarasin] de La Pierre qui s'en allait en Hollande retrouver son père. Il avait joint à sa lettre la harangue funèbre de son père [Pictet, Benedicta memoria]. Or, à son grand étonnement, il voit que Gernler n'a rien reçu de tout cela et se demande pourquoi le jeune homme ne s'est pas acquitté de la commission. Ce qui est le plus fâcheux, c'est que Gernler, n'ayant rien reçu de JA, lui a envoyé ses compliments en le priant de bien vouloir lui conserver l'amitié de feu son père. Il faut en finir une bonne fois et s'affermir dans l'idée que leur amitié est très sincère et très solide. JA signale à Gernler la grave maladie du correcteur Favon. Quelle perte pour l'imprimeur [Samuel I] de Tournes et pour JA lui-même! Cet homme était en effet le seul à savoir déchiffrer l'écriture de François Turrettini et il est maintenant à l'agonie. Depuis le début de la maladie de Favon, JA a été chargé de la correction du IIe tome de l'Institutio, qui s'imprime fort vite. Cette occupation est longue et ennuyeuse. On a achevé le premier volume auquel on a joint l'oraison funèbre; on n'a pas pu y joindre la taille-douce car le peintre [Johann Jakob I] Thurneysen n'a pu commencer le travail qu'après la foire de Francfort. On lui envoie la miniature par les marchands et on laisse à la tête du volume un feuillet blanc pour recevoir l'empreinte du portrait. JA aimerait pouvoir envoyer à Gernler ce qu'il demande mais c'est impossible; en effet pour les canons théologiques, [Bénédict] Pictet a tout ce que son père avait fait; il aimerait faire imprimer tout ce qu'on trouvera. Et comme cet ouvrage est inachevé, Pictet veut faire, sous son propre nom, un deuxième volume de canons, ajoutés à ceux de son père. Voilà pourquoi JA ne peut pas les lui envoyer et, à ce stade-là, les recopier serait inutile. Pour la Lettre de Claude à François Turrettini et la Réponse de ce dernier, il en fera en revanche une copie qu'il lui enverra à Bâle. Il fera copier aussi le traité de la réunion [Lettre de quelques protestants pacifiques] et y joindra quelques exemplaires de la harangue ainsi qu'une de ses thèses à montrer à [Jacques] Basnage. Son ami ne lui dit toujours rien au sujet de [Henri] Guib, à qui il avait donné une lettre pour lui il y a six mois. Il semble que Guib demeure à Amsterdam. C'est un homme savant que Gernler aurait tout intérêt à connaître. JA demande aussi des nouvelles de Bayle et se dit très content de son rétablissement. Il annonce à Gernler qu'il est en train de copier la métaphysique de [Jean-Robert] Chouet pour lui-même. Comme son correspondant la lui avait demandée, il lui fera parvenir celle qu'il avait achetée, dès qu'il aura achevé sa copie. Cet exemplaire contient aussi la morale de Minutoli. Son cousin André [Turrettini] est à Paris et JA l'a chargé d'acheter des livres. En effet, les libraires genevois n'ont plus de livres de Paris depuis 15 ans. Il fait notamment venir toutes les traductions de Dacier et de sa femme [Anne], dont Sarrasin lui avait prêté plusieurs exemples qui l'avaient satisfaits. Il travaille actuellement à un discours sur la superstition dont le sujet lui a été donné par un habile homme nommé Bos [Baux]. Ils ne voient plus [Paul] L'Escot et JA ne comprend rien à l'humeur du personnage; il doute fort que, comme il le dit, il ne se fasse recevoir l'été prochain avec [Jean-Antoine] Fatio qui est en Hollande. Quand JA a acheté le Journal des Sçavans de la bibliothèque de [Marc (?)] Viret, le IIIe tome manquait. Puisqu'il est imprimé en Hollande, Gernler pourrait-il le lui procurer de même que les thèses de Le Blanc de Beaulieu imprimées à Londres [Theses theologicæ]? Les libraires genevois n'ont en effet rien de cela. Quant au reste, il se consacre aux mathématiques; il a fait"un petit cours de géométrie et commence à mordre un peu d'algèbre qu'il trouve plus facile que prévu. Il poursuit sa lecture de la philosophie de Cicéron et a commencé Arnobe, qui est très beau et fort; il a d'ailleurs ouï dire que c'est le plus apprécié des Pères. Le capitaine [Benjamin] Micheli a fait comme son frère [Marc] et a épousé une réfugiée [Philis] de la famille d'Entragues. Bien des personnes sont mortes depuis un certain temps, et beaucoup d'autres sont dangereusement malades. On a vu à Genève la lettre de Fagel sur le Test. JA la trouve très judicieuse. Il croit qu'on l'imprimera à Genève [Lettre à J. Stewart]. On parle beaucoup de la rupture de l'Angleterre et de la Hollande; JA la redoute et la considère comme de mauvais augure pour Genève. En effet si ces deux États sont occupés et l'empereur [Léopold I] aux prises avec les Turcs, rien ne pourra arrêter les desseins que les Français pourraient avoir contre la ville. Il ne peut s'empêcher de trembler, au vu de la conjoncture. On enverra un député [en réalité deux, Pierre Gautier et Jean-Jacques De La Rive] à la Diète d'Aarau avant que l'autre [Ami Le Fort] ne revienne de Paris; toutes ces députations seront inutiles si la perte de la ville est décidée. On fait sortir de France tous ceux qui n'ont pas signé; plusieurs personnes considérables de Paris ont été libérées grâce à cet arrêt. On prêche toujours dans les Cévennes. La veuve [Gabrielle] et les enfants d'[Abraham] Du Quesne [Henri, Isaac, Jacob, Abraham de Monros] ont été mal traités après sa mort. C'est une drôle de façon pour Louis XIV de montrer sa reconnaissance. Un fils cadet de Du Quesne est arrivé à Genève et les a renseignés sur ces événements; il considère comme miraculeuse la façon dont il a pu s'échapper. JA fait maintenant de la musique; il a employé l'hiver a étudier Godeau et le chante maintenant ad aperturam libri. Il trouve l'exercice utile et pourra s'y délasser agréablement après avoir travaillé à des choses exigeant davantage de concentration. À l'heure qu'il est Favon est décédé et JA en est affligé. Le Genevois profite toujours de la compagnie de [Jean-Antoine] Dautun, ne sort pas jusqu'au dîner et se consacre aux visites jusqu'à deux ou trois heures; on lui a conseillé d'en faire un peu plus que ce qu'il faisait, car on lui a dit que cela lui servirait autant que l'étude dans son cabinet. Sa santé est assez bonne. Il a pu échapper au rhume que toute la ville a attrapé. Il incite Gernler à ne pas trop lire et surtout pas à la chandelle; qu'il n'oublie pas ce qu'elle lui coûte.

Adresse

Leyde


Lieux

Émission

Genève

RĂ©ception

Leyde

Conservation

Bâle


Cités dans la lettre