Lettre 130 de Theodor Gernler Ă  Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée, adressée. Inédite. (L)
Archives de la Fondation Turrettini (GenĂšve), 1/Gd.G.8

Haut vulgari me

Gernler remercie JA de ses deux derniĂšres lettres et des remarques qu'il a faites sur sa dissertation; il essayera d'y rĂ©pondre. JA s'est attaquĂ© Ă  la partie concernant les femmes; il les dĂ©fend en disant que ce qui leur manque, ce n'est pas les qualitĂ©s naturelles mais une Ă©ducation soignĂ©e. Et alors? Est-ce que cela ne fournit pas un argument ultĂ©rieur Ă  sa thĂšse? JA suppose qu'elles ont des qualitĂ©s naturelles, mais il ne le dĂ©montre pas. Il se demande aussi quelle Ă©ducation veut son ami pour les femmes, outre celle dont elles jouissent: elles sont Ă©duquĂ©es parmi les hommes, les entendent discuter de toute sorte de choses, lisent des livres, tirent des Ă©changes mondains beaucoup de connaissances, visitent parfois des pays Ă©trangers et, plus rarement, apprennent les coutumes de ces nations. Toutefois elles restent toujours des femmes; c'est-Ă -dire qu'il leur manque la source, le fondement, les qualitĂ©s naturelles, l'intelligence et l'aptitude Ă  l'Ă©tude. JA pourrait objecter qu'elles veillent au bien-ĂȘtre de la maison; mais, en rĂ©alitĂ©, mĂȘme le soin de la maison est la tĂąche des hommes puisque tout est gĂ©rĂ© par la grĂące, et au nom des maris voire, en cas de nĂ©cessitĂ©, d'un curateur [ou d'un homme de confiance] choisi parmi les frĂšres germains. JA ne trouve pas justes les prescriptions imposĂ©es par Paul aux femmes, sans pourtant prouver ce qu'il dit. De quelle façon, demande Gernler, la loi sainte serait-elle injuste? Comment JA peut-il prouver que cette loi n'a pas Ă©tĂ© ratifiĂ©e et confirmĂ©e par l'ApĂŽtre? Et comment ceci s'accorde-t-il avec ce que dit Paul:"Que la femme apprenne en silence (l'impĂ©ratif est utilisĂ© au nom de Dieu), en toute soumission. Je ne permets pas aux femmes d'enseigner ni d'usurper l'autoritĂ© des hommes; qu'elles se tiennent en silence." Et pourquoi cela, sinon parce qu'Adam a d'abord Ă©tĂ© crĂ©Ă©, puis ensuite Eve et que ce ne fut pas Adam qui fut sĂ©duit mais la femme. Il est peut-ĂȘtre choquant pour JA que Gernler, en utilisant une formule du langage commun, appelle les femmes "le sexe infĂ©rieur" mais cela ne l'est pas pour Gernler lui-mĂȘme. La raison en est qu'en français non seulement les femmes ne sont pas dites "sexe infĂ©rieur" mais elles sont appelĂ©es "le sexe par excellence". Il serait trĂšs facile de dĂ©montrer combien cela est injuste.

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