93 Lettres

Lettre 4354 de Jacob Vernet à Jean-Alphonse Turrettini

Bâle 05.05.1732

Si vous nous savez gré

C'est un plaisir pour Vernet de recevoir des nouvelles de JA et d'apprendre qu'il se porte bien. Beaucoup de monde fait des vœux pour sa santé. À Zurich, il a des amis qui lui sont fort attachés et qui se sont réjouis que son fils ait été envoyé dans sa seconde patrie. En effet ils considèrent, selon l'ordre purement chronologique, que pour les Turrettini Lucques est la première patrie, Zurich la deuxième et Genève la troisième. Marc a eu la curiosité d'aller voir la maison de ses ancêtres. Il y...

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Lettre 4354 de Jacob Vernet à Jean-Alphonse Turrettini

Bâle 05.05.1732


Lettre autographe, signée, adressée. (F)
Archives de la Fondation Turrettini (Genève), 1/Gd.V.1

Extraits dans Budé, Vie de Vernet, p.45-46, 46-47, 48.


Si vous nous savez gré


C'est un plaisir pour Vernet de recevoir des nouvelles de JA et d'apprendre qu'il se porte bien. Beaucoup de monde fait des vœux pour sa santé. À Zurich, il a des amis qui lui sont fort attachés et qui se sont réjouis que son fils ait été envoyé dans sa seconde patrie. En effet ils considèrent, selon l'ordre purement chronologique, que pour les Turrettini Lucques est la première patrie, Zurich la deuxième et Genève la troisième. Marc a eu la curiosité d'aller voir la maison de ses ancêtres. Il y a plusieurs ecclésiastiques imbus des ouvrages de JA et de ceux de [Samuel] Werenfels, dont [Hans Heinrich I] Hirzel, le père du proposant que Vernet lui a récemment recommandé [Hans Heinrich II]. Ils ont fait suffisamment confiance à l'expéditeur pour le mettre au courant de l'état de l'Église zurichoise. Vernet et Marc Turrettini ont prolongé leur séjour à Zurich d'un jour pour rendre toutes les civilités qu'ils y avaient reçues. Ceci est important, notamment dans un endroit où il importe de se montrer sensible aux honnêtetés qu'on reçoit. Pour se rendre à Bâle, ils avaient décidé de passer par Schaffhouse parce que la route est meilleure et que cela leur permettait de visiter cette ville. C'est ce qu'ils ont fait et ils ont ajouté la cataracte du Rhin qui est effectivement un beau spectacle. Ils sont passés par quelques petites villes de frontière qui appartiennent à l'empereur [Karl VI]. Une fois arrivés à Bâle, ils ont commencé à visiter des personnes, selon les vœux de JA. Il a fallu un peu de temps pour savoir au juste ce qu'il en était de l'affaire de [Johann Jakob] Wettstein. Il est certain que c'est un esprit profane et audacieux qui servirait mal l'Église; ce qu'il a dicté à ses écoliers est parsemé d'arianisme et de nestorianisme, avec des opinions trop libres sur l'autorité de la Bible et sur l'état des âmes après la mort. Il prétend aussi qu'on peut dissimuler la vérité pour échapper à la persécution. Les gens les plus désintéressées croient qu'il professe toutes ces idées, malgré le fait qu'il n'avoue que le sommeil des âmes. En tout cas dans ses discours ordinaires, on croit déceler un libertinisme de cœur et d'esprit qui a déjà infecté beaucoup de monde. La plupart des gens avec qui il est lié sont peu religieux. On comprend dès lors que l'admettre aurait été faire entrer le loup dans la bergerie. C'est pourquoi les théologiens, gens pour la plupart sages et modérés, ont entrepris des démarches auprès du Magistrat qui ont abouti à la déposition du diacre par le Conseil. Après cela, les théologiens ont publié un long mémoire en allemand contenant leurs griefs et une apologie de leur conduite. On aurait peut-être pu éviter d'imprimer ce mémoire. Wettstein a cherché alors un établissement à Dilingen et ensuite en Hollande où il espérait succéder à [Jean] Le Clerc. Pendant ce temps-là son frère [Peter] aussi a eu une affaire en débitant qu'on l'avait condamné à tort et que les théologiens agissaient par cabale et par envie. Le candidat, repris à cause de ses mauvais discours, refusa de comparaître, envenimant ainsi une affaire qu'on aurait pu éviter avec quelques paroles douces au début. Il a essuyé une censure à la fin et a été déclaré indigne de prétendre à une place quelconque dans l'Église. À la suite de quelques changements qui s'étaient faits dans la magistrature, le diacre est revenu à la charge et a demandé à être lavé de certaines accusations portées contre lui dans le mémoire, qui nuisaient à son établissement à l'étranger. Ses parents et ses amis se sont beaucoup agités et en particulier son père [Johann Rudolf IV] qui passe pour l'homme le plus intriguant de la ville. Il a laissé entendre qu'il se repentait de certaines choses et qu'on avait agi contre lui par jalousie. Il a eu l'appui de certaines gens remuants qui sont dans le Conseil. Tout cela a produit un grand effet. On a renvoyé Wettstein au Conventus pour l'entendre et pour donner quelques satisfactions à l'Église. Or le C"onventus n'est composé que de six personnes, les trois professeurs de théologie [Johann Ludwig Frey, Jakob Christoph Iselin et Samuel Werenfels] et les trois premiers ministres, qui sont [Hieronymus] Burckhardt, [Johann Heinrich] Gernler et Wettstein. Le dernier était récusé de droit, alors que Werenfels et Gernler étaient absents. Étant seulement trois, ils jugèrent ne pas pouvoir délibérer et tâchèrent par tous les moyens, y compris le recours au Magistrat, de convaincre Werenfels de siéger. Leur erreur a été de ne pas délibérer malgré le petit nombre. Le Conseil en profita pour attaquer le Conventus en affirmant qu'ils cherchaient des excuses pour ne pas entendre Wettstein; il affirma que celui-ci avait donné des gages de sa repentance et qu'il ne fallait pas chercher plus loin. Wettstein fut donc introduit dans la Chambre du Conseil et, sans faire aucune rétractation positive, déclara souscrire la Confession de Bâle, ce qu'il n'a pas pu faire sincèrement. Il a fait circuler une espèce de confession de foi vague qu'il n'a pas souscrite. Cependant le Magistrat l'a rétabli dans son pouvoir de prêcher et d'administrer les sacrements, sans pour autant lui rendre la place de diacre à Saint Léonard, déjà pourvue. Il a depuis prêché plusieurs fois mais n'a jamais rien dit qui pût faire croire qu'il s'était ravisé. La conduite de Werenfels dans toute cette histoire est surprenante mais son neveu Richner et [Theodor II] Falckeysen lui ont révélé les vrais motifs de sa conduite. Werenfels considère Wettstein comme un esprit impie et dangereux et était tout à fait favorable à sa déposition; mais on n'a pas assez écouté ses avis au début de l'affaire et il a eu l'impression que certaines personnes, qui avaient été ses disciples, voulaient davantage le mener que le consulter. Bref, cela, ajouté à son âge et à ses conditions, a dicté sa façon d'agir. Dans sa réponse à la lettre qui lui enjoignait de siéger, il a prétexté son âge et son besoin de repos, se disant solidaire des décisions de ses collègues. Du reste son caractère doux et pacifique et son esprit un peu paresseux le rendent ennemi de toute querelle. Il travaille désormais peu et n'écrit point, pas même à ses meilleurs amis; il n'a rien écrit sur le sujet de Wettstein par un excès de précaution et de timidité. Vernet a eu beaucoup de plaisir à le voir; il a beaucoup regretté de ne pas pouvoir les loger chez lui. Hier il l'a honoré de sa présence au prêche. Ils l'ont rencontré tous les jours; il se porte bien, à l'exception près d'un peu de goutte qui l'empêche de marcher. Ils n'ont pas pu voir certaines personnes qui étaient à la campagne. L'argent qui est en leur possession devrait permettre d'atteindre Francfort. La lettre des théologiens de Bâle adressée aux Messieurs de Zurich a été envoyée aussi à Berne, Werenfels n'en était pas informé. Il importe que sa conduite ne soit pas mal interprétée surtout là où son orthodoxie est suspecte. Vernet suggère à JA de se pourvoir des œuvres, bulles et lettres de Clement XI imprimées à Rome il y a 7 ou 8 ans en 3 volumes in-folio. On y trouve quantité de pièces secrètes qu'il a été en effet imprudent de divulguer. Il faut en donner avis à Baulacre aussi. Si le nonce qui est à Lucerne [Barni], en est averti, il y a à craindre que ces livres ne deviennent rares. Le fils de JA demande à sa mère de lui envoyer du diabotannum et du vigo pour son doigt.

Adresse

Genève


Lieux

Émission

Bâle

Réception

Genève

Conservation

Genève


Cités dans la lettre

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