Lettre 4151 de Jacques Serces à Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée, adressée. Inédite. (F et Ang)
Archives de la Fondation Turrettini (Genève), 1/Gd.S.14

Cette longue interruption

Serces est navré que le commerce épistolaire avec JA ait souffert d'une si longue interruption; il reconnaît que c'est sa faute mais des maladies, des séjours à la campagne et le manque de nouvelles intéressantes y sont pour beaucoup. Il y a quelque temps, il s'entretenait avec l'évêque de Londres, Gibson, homme très digne et savant, quand celui-ci lui demanda s'il était vrai que l'Église de Genève eût jamais songé à changer la célébration du dimanche en celle du jeudi pour donner une preuve de la liberté absolue dont on jouit sous l'Évangile. C'est ce qu'affirment deux auteurs dont Serces transcrit des passages, l'un Taylor dans sa Collection of Polemical Discourses de 1674 et l'autre Bramhall, primat d'Irlande, dans un de ses discours de 1676. Serces assura l'évêque qu'il ne savait rien de cette affaire. Les deux passages ne semblent pas se recouper entièrement: 1) le premier prétend que cette idée est de quelques théologiens particuliers, le second en parle comme de l'opinion de l'Église ou d'une bonne partie de l'Église de Genève 2) le premier dit qu'on a mis en délibération cette proposition, le second qu'il ne sait pas si les théologiens l'ont jamais proposée 3) Bramhall dit qu'il tient cela d'une personne dont il n'ose pas se réclamer entièrement et cette personne pourrait être Taylor lui-même. Serces propose ces remarques à JA avant de les faire à l'évêque; il demande aussi à son correspondant de lui écrire ce qu'il pense de cette affaire. Cela sera utile pour dissiper les préjugés de ceux qui sont prêts à porter un regard négatif sur l'Église de Genève parce que dépourvue de gouvernement épiscopal et parce que attachée, dans le temps, à l'idée de la prédestination absolue. Dans sa lettre, JA pourrait glisser, sans en avoir l'air, un mot en faveur de Serces. Tout en cherchant un établissement en Angleterre, il pense à sa patrie avec beaucoup de tendresse et un certain regret. Il est tiraillé entre le désir de rester en Angleterre et celui d'être près de ses amis genevois. S'il avait des chances de pouvoir s'établir à Genève, il n'hésiterait pas un moment. Il a été charmé d'apprendre que JA s'était déterminé à donner en thèses son traité de la religion naturelle et qu'il en avait déjà publié de très belles sur l'existence de Dieu [1730]. Il y a longtemps que Serces n'a plus vu d'ouvrages de JA et il regrette l'éloignement qui en est la principale raison. Il rappelle à JA qu'il y a certaines pièces de ses disputations qui lui manquent. La plupart des livres qui se publient en Angleterre tendent à affaiblir la religion: Woolston, auteur de discours fort impies contre les miracles de Jésus-Christ, a récemment publié un autre écrit sur le même sujet [Defence] contre la promesse qu'il avait faite aux juges; il a donc été emprisonné. Tindal vient de publier un volume intitulé The Gospel as old as the Creation dans lequel il démolit toute nécessité de la révélation. L'évêque d'Ely [Greene] lui en a parlé avec le plus grand mépris; celui de Londres [Gibson] a fait imprimer une seconde lettre pastorale pour prévenir les fidèles du mauvais effet de ces ouvrages. Serces l'a lue et l'a beaucoup aimée. On dit que Tindal prépare un deuxième volume. Le libraire Knapton a acheté les sermons manuscrits de feu Clarke et les fait imprimer; deux volumes, qui portent essentiellement sur les perfections de Dieu, ont déjà parus. Chaque volume, plutôt mince, coûte 5 shillings et en tout il doit y avoir dix sermons, ce qui fait qu'ils sont plutôt chers. On avait donné la même somme pour les sermons posthumes de Tillotson mais on doute que le public fasse le même accueil à ceux de Clarke. Ils sont beaucoup plus secs et avec beaucoup moins d'onction. De la Roche a recommencé sa bibliothèque mais en anglais sous le titre de Literary Journal; il aimerait avoir l'avis de JA. Le docteur Middleton, que JA a rencontré à Genève quand il était de retour d'Italie, a fait imprimer une lettre anglaise dans laquelle il met en parallèle les cérémonies païennes avec celles de l'Église romaine. C'est très bien fait, avec le seul défaut d'être trop court.

Adresse

Genève

Commentaire

Lieux

Émission

Réception

Genève

Conservation

Genève

Cités dans la lettre