Il est temps... que je
Il est temps que de Crousaz rende compte à JA de sa situation. Il comprend chaque jour plus distinctement combien un prince peut influer sur le bonheur ou le malheur de ses sujets et c'est pourquoi le poste auquel la providence l'a appelé lui paraît très important. Le succès de ses soins étonne la Cour et l'étonne lui-même; il est caressé par les grands et béni par le peuple. Si Dieu le conserve en vie, il espère voir la noblesse de ce pays revenir de ses préjugés contre les Lettres et les gens...
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Lettre autographe, signée. Inédite. (F) Bibliothèque de Genève, Ms fr 486 (f.47-48)
Il est temps que de Crousaz rende compte à JA de sa situation. Il comprend chaque jour plus distinctement combien un prince peut influer sur le bonheur ou le malheur de ses sujets et c'est pourquoi le poste auquel la providence l'a appelé lui paraît très important. Le succès de ses soins étonne la Cour et l'étonne lui-même; il est caressé par les grands et béni par le peuple. Si Dieu le conserve en vie, il espère voir la noblesse de ce pays revenir de ses préjugés contre les Lettres et les gens qui en font profession. Dès que le prince dont il a la charge [Friedrich II de Hesse-Kassel], qui n'a que six ans et quatre mois, voit un ministre dans l'antichambre ou un professeur de Marbourg, il les aborde, les remercie de leurs sermons et s'enquiert de leurs demandes éventuelles: voici ce que de Crousaz lui a enseigné. Le prince Guillaume [Wilhelm de Hesse-Kassel], son père, est un génie supérieur qui a une tendresse infinie pour son fils et qui connaît les principes d'une bonne éducation. On ne signe rien dans le pays et c'est pourquoi on vit en paix, bien que certains soient plus rigides que d'autres. Il y a des quartiers séparés par un ruisseau, les calvinistes et les luthériens se lançant par-dessus des anathèmes, alors qu'il y a des cas où les deux Églises sont servies par un même pasteur. [Johann Christian] Kirchmeyer, professeur à Marbourg, contribuera beaucoup à changer les idées puisqu'il sait ce qu'il veut. Il y a de très habiles enseignants en philosophie, astronomie, géométrie etc. et des instruments magnifiques. On a souhaité dès le début que de Crousaz se charge de la direction de cette Académie, qu'on appelle la Maison des Sciences; mais il connaît trop bien l'esprit académique et a donc prié le prince de le décharger, pour pouvoir se consacrer seulement et entièrement à l'éducation de son jeune disciple et pouvoir continuer à publier. Mais il ne recule que pour mieux sauter, ne perdant jamais de vue ce qu'il doit à la République des Lettres.
[Genève]
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