Lettre 3187 de Jean I Barbeyrac Ă  Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée, adressée. (F)
Bibliothèque de Genève, Ms fr 484 (f.229-230)

Extraits dans Meylan, Barbeyrac, p.127 (n.3), 139.

Je vous écrivis il y a

Barbeyrac recommande à JA le porteur de cette lettre, un proposant nommé [Robert] Laurent, qui a demeuré deux ans à Groningue, et qui, pour le bien de ses études, va les continuer à Genève. C'est un jeune homme sage qui trouvera à Genève un tout autre esprit et une toute autre méthode que ceux qu'il a connus jusqu'à maintenant. Barbeyrac attend avec impatience de voir quelle sera la résolution de Berne à la suite de la lettre du roi de Prusse lui demandant d'abolir le Consensus [Friedrich Wilhelm I, Schreiben] ; les ecclésiastiques de cette ville sont malheureusement entêtés à conserver ce texte, en dépit du bon sens et de l'Évangile. Il faut espérer que le Magistrat suive ses véritables intérêts, sinon par raison du moins par politique. L'impression de sa traduction française de Grotius [Du droit de la guerre, Amsterdam, 1724] procède toujours lentement à cause de la négligence incompréhensible du libraire; sa traduction de Bijnkershoek est achevée [Traité du juge compétent]. Il y a beaucoup de notes dans lesquelles il réfute souvent l'auteur. Le premier volume de la réimpression des Sermons de Tillotson [Amsterdam, 1722] est achevé et Barbeyrac l'a dédié à JA. L'abbé [Joachim] Le Grand a répondu à Barbeyrac en lui disant que le moment n'est pas propice à ce qu'il dédie le Grotius français au marquis [Colbert] de Torcy; il espère dès lors pouvoir le dédier au roi d'Angleterre [George I] ; le même abbé affirme avoir achevé depuis trois ans son histoire d'Abyssinie [Lobo, Relation historique] et ses dissertations contre Ludolf dont il remet encore la publication par un excès de délicatesse; le même discours vaut pour son histoire de Louis XI à laquelle il travaille depuis plus de vingt ans. Il vient de paraître un Essai sur le gouvernement civil, établi, dit-on, à partir des principes de Fénelon et dont l'auteur [Ramsay] est un Écossais, le même qui a fait la préface de l'édition de Télémaque [Paris, 1717] imprimée sur le véritable manuscrit de l'auteur [Fénelon]. Il n'y a que du verbiage et un grand esprit de jacobisme. Il a paru aussi un autre livre, bien meilleur, mais que l'auteur gâte en soutenant qu'il ne faut que savoir lire pour trouver le fatum dans l'Écriture. Barbeyrac vient de recevoir la traduction flamande de sa harangue inaugurale; il ne connaît pas personnellement le traducteur – Jan Suderman – qui lui a écrit que cet ouvrage avait satisfait le corps aussi bien politique qu'ecclésiastique; il pense que si cela est peut-être vrai pour le premier, cela ne l'est pas pour les théologiens à gros collier. Il est en tout cas important que les hommes politiques œuvrent pour la modération. Le même texte a été traduit en allemand à Hambourg; il semble donc que même dans cette ville où les ecclésiastiques viennent de se déclarer brutalement contre toute proposition d'accommodement, il y ait des gens modérés. On songe à réimprimer à Amsterdam, par souscription, les commentaires, le Dictionnaire et l'Histoire de la Bible de Calmet; on réimprimera aussi l'Histoire de la milice française du père Daniel ainsi que les Patres apostolici de Le Clerc, augmentés. Un III^e volume de la Bibliothèque des Dames, traduit de l'anglais par le fils [Élie I] de feu [Pierre] Joncourt, paraîtra prochainement.

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