Lettre 3072 de Jacques Basnage Ă  Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée. (F)
Archives de la Fondation Turrettini (Genève), 1/Gd.B.10

Budé, Lettres, I, p.159-162.

ie devois naturellement

Le retard avec lequel Basnage répond à JA est dû à ses occupations, et notamment à la nouvelle édition de sa réponse à l'Histoire des variations de Bossuet [Histoire de la religion des Églises réformées] dans laquelle il a mentionné comme il se devait l'ouvrage du Genevois [Nubes Testium]. Il réitère ses réticences concernant la réunification, car il ne la croit pas possible. La distinction entre articles fondamentaux et non fondamentaux, qu'il partage, a des difficultés d'application, comme le montrent les chicanes que Pfaff, homme par ailleurs accommodant, a faites à JA sur des points secondaires [Dissertatio apologetica de contradictoriiis] ou les attaques que Scultetus a portées contre Jurieu et Basnage au sujet de la grâce sur la base de simples soupçons [Animadversiones]. Il y a dans l'ouvrage de JA un grand nombre de théologiens qui sont pour la réunion mais qui n'aiment pas la paix. Du reste, indépendamment de la distinction des articles fondamentaux et non fondamentaux, il y a des question réelles, comme la grâce prévenante, qui resteront toujours parce qu'on ne peut pas obliger les uns et les autres à changer d'opinion sans violenter leur conscience. Évidemment on peut toujours se réfugier dans des termes équivoques pour esquiver les questions difficiles; mais prétendre que les gens peuvent et doivent se calmer à ce sujet, c'est, encore une fois, retomber dans une position qui fait violence à la conscience. Basnage a été surpris de ne pas trouver dans l'ouvrage de JA la lettre de Luther publiée par [Gilbert I] Burnet sur la base d'un manuscrit de Zurich; Luther ne veut pas qu'on change de sentiments ni qu'on se fasse des illusions en utilisant des termes qui ne signifient rien mais il souhaite qu'on se tolère jusqu'à ce que Dieu éclaire les esprits. Basnage partage cette position qui consiste à témoigner un grand amour pour la paix, à accorder une entière liberté de conscience et d'exercice (comme JA a fait à Genève) et à recevoir à la communion les esprits pacifiques; en suivant l'autre méthode il y a danger que le fort l'emporte sur le faible et l'erreur sur la vérité. Il apprécie la politique dans les affaires d'État mais non dans les questions de religion. Basnage et JA s'accordent sur la tolérance mutuelle, que l'expéditeur pousse jusqu'à la communion réciproque, mais l'amour de la paix exige qu'on laisse à chacun la liberté de croire ce qu'il juge véritable.

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