Lettre 2424 de LĂ©onard Baulacre Ă  Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée, adressée. Inédite. (F)
Archives de la Fondation Turrettini (Genève), 1/Gd.B.14

Monsieur Marc Saurin qui va

Baulacre recommande à JA les porteurs de cette lettre – [Marc-Antoine] Saurin et mylord [Henry Howard] de Carlisle – qui vont passer quelques temps à Genève. Il a reçu par la voie de Francfort trois des thèses de JA qui n'ont pas été distribuées aux personnes auxquelles elles étaient destinées parce que celles-ci les possédaient déjà, les ayant reçues de la main de ceux qui les avaient eues auparavant. Baulacre les a rendues à ceux-ci qui en manquaient pour l'Angleterre. Ces ouvrages ont été très appréciés en Hollande et certains disent qu'il faudrait les diffuser plus amplement pour que le goût de ce pays s'épure. Il est sûr que les libertins sont forcés de respecter la religion quand elle est présentée par des gens comme JA; malheureusement il y a des personnes qui gâtent tout par leur attachement aux sentiments anciens. Il a rencontré dans une auberge un groupe de libertins, dont un Anglais [Anthony Collins] qu'on dit spinoziste et qui a publié un livre sur la maniere libre de penser [A discourse] ; ils ont parlé des entretiens qu'ils ont eus avec un pasteur [Coüet du Vivier (?)] qui essayait de les convaincre en débitant les conséquences les plus dures de la théologie à la façon ancienne. On lui a raconté lors d'un dîner que dans une édition du synode de Dordrecht on avait mis par mégarde au lieu de "veterum vestigia sequuti" "veterum vertigia sequuti" et dans un ouvrage allemand on s'est référé à l'Examen de la Théologie de Jurieu [de Saurin] en nommant l'auteur Furieu. [Jean] Masson, qui a été condamné par le synode de Breda pour le sens libéral qu'il avait donné au Ps 90, a dit qu'après avoir vu à Genève la théologie naturelle de JA, il en avait conclu que l'auteur était spinoziste! L'"homme d'esprit" dont parle Le Clerc dans le tome XXVI, II^e partie, de sa Bibliothèque choisie, qui lui aurait fait des remarques concernant le fait que les critiques présentent souvent comme certaines des conjectures qui ne sont que vraisemblables, est [Jacques] Saurin; Baulacre lui-même a été témoin de cette conversation, suscitée par une critique un peu sèche exprimée par Le Clerc à l'égard de certains endroits d'une histoire de la Bible [Discours historiques] que Saurin a sous presse. Le Clerc a entendu prêcher [Gabriel II] Rilliet et [Ami] De La Rive à Amsterdam; il les a appréciés mais leur a dit d'essayer d'avoir un style plus élevé. Pour ce faire, il leur a conseillé de lire Bourdaloue. Ils ont entendu prêcher [Jacques Colas (?)] de la Treille, qui est un modèle dans cet art puisqu'il prêche de façon naturelle, méthodique et fine. Il y a quelques temps, Saurin a prononcé un sermon qui a fait beaucoup de bruit car il a dit qu'une foi spéculative ne nous sauverait pas et plusieurs fois que le diable était orthodoxe. Baulacre a reçu une lettre du pauvre [Paul] L'Escot qui salue bien JA et le remercie pour ses harangues [Orationes]. Le Clerc a mis sous presse une histoire ecclésiastique dans laquelle il montre que les premiers chrétiens n'ont pas été d'aussi honnêtes gens qu'on l'a prétendu.

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