Lettre 2226 de Hans Kaspar II Escher à Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée. Inédite. (F)
Archives de la Fondation Turrettini (Genève), 1/Gd.E.5

pardon[n]es Moy

Escher remercie beaucoup JA de lui avoir envoyé ses thèses [Cogitationes] et sa dernière harangue [De adulterati christianismi], qu'il a lues à la campagne où il se trouve à l'occasion des vendanges. Dans son oraison, le Genevois a très bien décrit les sources et les remèdes de la corruption du christianisme; par les articles XIII et XVIII on peut apprendre, en peu de mots, tout ce qu'il y a à dire de plus essentiel sur ce sujet. Quant aux thèses, cela faisait longtemps qu'il souhaitait voir traitée la théologie d'après une telle méthode; il apprécie cette manière d'écrire par aphorismes, qui lui convient tout particulièrement. C'est la manière dont se sont servis Salomon et les sages de l'Antiquité; si tous les savants en usaient ainsi, ils n'écriraient rien qui ne serait sorti de leur méditation. On ne devrait pas se plaindre, comme on le fait actuellement, de la quantité des livres et les sciences s'en trouveraient mieux. Il est charmé de voir comment JA, dans toutes ses productions, va droit au but de la religion qui est le changement de vie, de pensées et de sentiments. Le mystère de l'incarnation et de la mort du Fils de Dieu, mystère confirmé par tant de miracles, est aujourd'hui accablé par d'autres articles bien moins importants; on abandonne ce qui est clair et incontestable pour courir après les obscurités, en rendant ainsi la philosophie une science purement spéculative. Il suffit aujourd'hui de savoir causer de façon orthodoxe. Il faudrait une Réformation presqu'aussi entière que celle du passé. Les réformateurs ont bien commencé mais leurs fils se sont reposés et leurs neveux et petit-neveux ont reculé: ils ont accordé la religion à l'ambition, se sont contentés du culte extérieur, ont attribué aux prêches et aux cérémonies ecclésiastiques, qui ne devaient être que des aides à la piété, une valeur intrinsèque, ont imposé, sous peine de damnation, des articles de foi formulés dans le langage de l'École. Ils prêtent davantage d'attention aux petites différences entre les expressions qu'à l'indifférence à l'égard de la religion et la nonchalance charnelle. Pour changer une telle situation on devrait commencer par les universités et les écoles, puisque c'est de là que commence l'éducation. Les philosophes païens arrivaient, avec leur philosophie faible, à faire vivre leurs disciples d'après leur doctrine alors que les théologiens, qui disposent d'une doctrine sublime, qui est la puissance de Dieu en salut, manquent cet objectif. Il faut s'engager à inculquer les vérités pratiques du christianisme, la nécessité de la repentance et de la sanctification et la divinité de l'Écriture. Il faudrait régler toutes les études sur l'intelligence de la Bible et les professeurs devraient témoigner aussi par leur exemple que la paix avec Dieu surpasse tout entendement et que la religion nous enseigne à ne dépendre que de la providence et à mépriser les réalités mondaines. La nouvelle de la maladie de JA l'a attristé mais il a été heureux d'apprendre son rétablissement. Il envoie ses salutations à [Jean-Robert] Chouet qui est un chef si grand et si sage. Il est dommage que les députations entre les villes suisses ne se fassent plus qu'à l'occasion d'événements fâcheux; si l'ancien héroïsme républicain revenait dans la Suisse protestante, on pourrait se visiter pour des occasions plus agréables.

Adresse

[Genève]

Commentaire

Lieux

Émission

Réception

Genève

Conservation

Genève

Cités dans la lettre