Lettre 2211 de Samuel Turrettini Ă  Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée, adressée. Inédite. (F)
Archives de la Fondation Turrettini (Genève), 1/Gd.T.21

Je vous suis bien obligé

Turrettini remercie JA de la bonté qu'il a eue en pensant à lui pour la place de Marbourg mais il ne s'estime pas en état de remplir un poste si considérable, qui exige des lumières, une pénétration et un discernement qu'il ne peut pas espérer acquérir. Certes, on pourrait s'acquitter de cet emploi à moindre frais, si on faisait comme à Leyde où il suffit, pour passer pour un bon professeur, d'avoir fait un recueil de trois ou quatre systèmes de théologie, de le débiter sur un ton décisif et de ramasser sur des passages difficiles ce qu'ont dit différents commentateurs; mais cette méthode, qui est assez facile, n'est pas de son goût, sans considérer qu'il n'a pas encore suffisamment lu pour pouvoir l'exercer aisément. Il craint aussi qu'on ne doive souscrire, en entrant en fonction, quelque formulaire fâcheux et qu'il ne faille être tout le temps sur ses gardes pour ne rien dire qui fût, d'une manière ou d'une autre, contraire au système des réformés ou qui heurtât les sentiments particuliers de quelques docteurs approuvés par la faculté. Le moindre écart susciterait l'indignation des pasteurs et des professeurs, comme si cela touchait la substance de la religion. En outre, il s'agit d'un poste qui lui semble bien fatigant pour quelqu'un qui commence: trois leçons par semaine, des collèges particuliers et un sermon lui paraissent assez pénibles. C'est une charge du reste qui pourrait faire du tort à ses études et qui l'éloignerait de celui dont il a tout à apprendre. Il doute du reste que les messieurs de Marbourg ne se contentent de quelqu'un qui n'a même pas encore reçu l'imposition; ils pourraient le juger téméraire de vouloir prétendre à un tel poste. Toutes ces raisons lui semblent fort décisives mais si JA en juge autrement, il s'en remettra à son avis. Il ne manquera pas de dire à [Jacques] Bernard ce que JA lui a indiqué; il a aussi acheté les mois des Nouvelles de la république des lettres que son correspondant lui avait marqués. Le roi de Prusse [Friedrich I] est encore à La Haye mais [Daniel Ernst (?)] Jablonski n'est pas à sa suite. Turrettini a reçu bien des honnêtetés de [Jacques] Basnage et de [Jacques] Saurin à qui JA l'avait recommandé; ils l'ont invité, entre autres, à prêcher dimanche dernier à l'heure ordinaire du soir et en robe, quoi que cela ne s'accommode pas des règlements des synodes. Il a répété la même action qu'à Amsterdam. [Richard] de Vendargues n'a pas obtenu la place de Tournay, comme Turrettini l'avait écrit dans sa dernière lettre; on l'a donnée à un Boullier [David-Renaud] qui était à Utrecht. Il se peut donc que de Vendargues s'unisse à la compagnie et aille en Angleterre chercher un emploi. Il pense qu'il devra bientôt faire la traversée puisque [Jean] de La Corbière doit accompagner en Angleterre sa cousine, [Madeleine] Mollet, qu'on attend d'un jour à l'autre; c'est dommage parce qu'il serait resté volontiers en Hollande jusqu'au mois de septembre. Il prie JA de lui envoyer des lettres de recommandation pour l'Angleterre.

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