Lettre 1590 de Louis Longuerue Dufour à Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée, adressée. Inédite. (F)
Bibliothèque de Genève, Ms fr 488 (f.76-77)

J'ay eu beaucoup de joye... daprendre

Les deux lettres que de Longuerue avait envoyées l'année passée à JA par le biais de certains Bâlois de passage à Paris n'ont pas été rendues à leur destinataire. L'abbé y remerciait le Genevois de lui avoir fait parvenir ses harangues et lui signalait l'éloge d'[Antoine I] Pagi, tout en se plaignant qu'on eût imprimé l'ouvrage de cet auteur sans le consulter, contrairement au souhait de son défunt ami. Il avait aussi fait des remarques à JA sur son oraison sur la littérature du XVII^e siècle [De sæculo XVII erudito]. Il la relira donc et lui fera part de ses sentiments avec sa franchise habituelle. Il se plaint néanmoins de ce que JA ne lui ait jamais répondu sur le fait de l'impression genevoise de Pagi. Ce n'est pourtant pas faute de l'avoir interrogé à ce sujet depuis 1700. Beaucoup d'amis communs, dont Toinard, s'intéressent à cette édition. Même en admettant que JA n'ait pas eu le droit de répondre, il n'aurait pas dû passer cette question sous silence, d'autant plus que depuis douze ans qu'il connaît de Longuerue, il sait que celui-ci a un goût tout particulier pour la matière de l'œuvre de Pagi. Les grandes fautes qui se trouveront dans l'ouvrage de ce père s'expliquent par le fait que Pagi n'avait pas lui-même connaissance de la plupart des informations que de Longuerue lui communiquait et que le style de ce dernier, par manque de temps, était obscur. En outre Pagi abrégeait souvent ses écrits à sa fantaisie et sans le consulter. Ce que craint de Longuerue, c'est que les fautes se répandent partout en Europe et cela est d'autant plus grave que l'époque dans laquelle on vit est celle de la plus grande ignorance. Si les métaphysiciens creux et les mathématiciens ineptes continuent de sévir, on deviendra pire que les Iroquois. Il n'y a rien d'aussi sot que la vanité de ces modernes qui méprisent les anciens. Il ne sait pas si JA a traité de cela dans sa harangue De studiis promovendis qu'il n'a pas encore vue. L'édition des conciles qu'on imprime au Louvre [Conciliorum collectio regia maxima] est un abrégé de celle de Labbe [Sacrosancta concilia] dont on retranche un certain nombre de notes. De Longuerue estime qu'une bibliothèque publique ne peut pas se passer de l'ouvrage de Labbe; on y a ajouté un mauvais livre de Giacobazzi [De concilio tractatus] que de Longuerue retrancherait volontiers. Il se renseignera sur les prix des conciles et sur celui des deux ouvrages de Siri [Il Mercurio et Memorie recondite]. Il se réjouit de ce que JA ait approuvé l'éloge qu'il a fait de Pagi puisqu'il était un peu fâché que François Pagi l'ait nommé dans la préface sans son autorisation. Le second tome des Collectanea de Montfaucon est sous presse et le I^er volume du Martyrologe romain de Chastelain se vend depuis Pâques. Il y a des choses fort utiles mais aussi des minuties qui risquent de déplaire au plus grand nombre.

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