Lettre 713 de Barthélemy Micheli du Crest à Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée. Inédite. (F)
Archives de la Fondation Turrettini (Genève), 1/Gd.M.20

L'on receut hier

Dans sa dernière JA ne fait pas mention des deux lettres que Micheli lui a envoyées, dont la dernière contenait une lettre du résident [d'Iberville] pour [Pierre] Stoppa; il le prie seulement d'accuser réception quand elles arriveront. Si Stoppa est à Fontainebleau avec la Cour, il faut que JA en profite pour aller visiter la plus belle maison royale, qui est encore plus splendide quand la Cour y est. Il devra bailler la lettre à Soppa en main propre. Il faut aussi que JA rappelle à Stoppa l'affaire de [Philis] Micheli. [Germain] Colladon part aujourd'hui pour Lyon d'où il prendra la diligence pour Paris; il y sera le I^er octobre, avec toutes les choses que JA a demandées. JA doit être persuadé que ce que la famille a à cœur est de le voir faire ce qui lui est le plus avantageux; en sachant qu'il est très bien là où il est, on ne songe guère à le presser sur son retour. Micheli lui dit seulement que les seules personnes sur qui il puisse véritablement compter sont très caduques et vivent au jour le jour; ce serait un grand malheur si elles venaient à mourir avant son retour. En tout cas, le principal est qu'il prenne soin de sa santé et remette ses études au retour. Le jeune de Budé [Bernard II (?)] ne viendra probablement pas à Paris, son père [Guillaume(?)] ayant décidé de le faire venir à droiture avec [Gabriel (?)] Grenus. JA verra en revanche le jeune [Jean-Antoine] Gautier: il est bien fait, a bien étudié mais il a besoin de prendre l'air français, qui peut difficilement s'acquérir en Allemagne; à propos de Gautier, la repourvue de la chaire de philosophie a été différée et reportée à un temps non déterminé. Micheli se lasse de répéter chaque fois qu'on se prépare à bombarder Pignerol; pourquoi mettre des batteries en état, quand il ne s'agit que de bombes et de mortiers? Quoi qu'il en soit, Catinat ramasse des gens et il est à croire qu'avant la fin du mois, il pourra s'opposer à ce dessein, même s'il est vrai qu'il a reçu des secours assez fatigués. Il a deux chemins pour y arriver: l'un plus court mais fort difficile, l'autre plus long, avec quelques lieux fortifiés qu'il faut forcer. Rien de nouveau pour la Suisse, sinon que les Cantons protestants ont été priés de garder encore cet hiver les réfugiés qui sont sur leur territoire, ce qu'ils ont promis de faire. Beaucoup partent de Genève et il y a aussi parmi eux des Genevois contraints d'aller chercher du pain ailleurs, celui de la ville étant rare et à un prix excessif. On aura aussi de très petites vendanges mais on n'y pense presque pas; pourvu qu'on puisse avoir du pain, on se contentera de boire de l'eau. Beaucoup de gens arrachent leurs vignes pour y mettre du blé. Il n'y a rien de plus curieux que le manège de [Vincent] Minutoli qui, au lieu de prêcher et de faire des prêches, s'est mis en tête non seulement de faire des pièces du Parnasse – ce qui serait encore supportable – mais aussi une gazette, ce qui ne manquera pas de lui attirer des ennuis, d'un côté ou de l'autre. En effet s'il ment comme à Berne [Nouvelles de divers endroits], on ne manquera pas de le relever; s'il dit la vérité, personne n'achètera sa gazette, puisqu'on se repaît de mensonges pourvu qu'ils soient à notre goût. Il y a eu une grande sécheresse et de la chaleur mais il a plu suffisamment depuis deux jours. On a maintenant besoin du beau temps pour semer; on vendangera dans trois semaines. Il y a beaucoup de malades mais peu de gens meurt. [Renée] Diodati est à la campagne, toujours aussi attachée à sa terre comme si elle avait un siècle à vivre et des héritiers qui méritassent tous ces soucis, alors que les siens n'attendent rien avec autant d'impatience que l'heure de sa mort et cela pour un héritage qui, dans la conjoncture actuelle, pourrait bien aller dans d'autres mains.

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[Paris]

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