6 Lettres

Lettre 533 de Barthélemy Micheli du Crest à Jean-Alphonse Turrettini

Le Crest (Genève) 03.11.1692 [24.10.1692]

Je vous Crois apresent de retour

JA devrait être à présent de retour à Londres après son voyage d'Oxford. Le Parlement est prêt de s'assembler; chacun parlera des intérêts de l'Europe selon les sentiments de son cœur. On accusera les Suisses d'être les seuls à ne pas vouloir se joindre à la cause commune pour raisonner la France. Ce que JA rapporte avoir entendu dire à un illustre prélat [Gilbert I Burnet (?)] fait d'ailleurs penser à Micheli que son cousin n'est pas éloigné de cette vue et qu'il a même oublié les raisons qui i...

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Le Crest (Genève) 03.11.1692 [24.10.1692]


Lettre autographe. Inédite. (F)
Bibliothèque de Genève, Ms fr 488 (f.239-240)


Je vous Crois apresent de retour


JA devrait être à présent de retour à Londres après son voyage d'Oxford. Le Parlement est prêt de s'assembler; chacun parlera des intérêts de l'Europe selon les sentiments de son cœur. On accusera les Suisses d'être les seuls à ne pas vouloir se joindre à la cause commune pour raisonner la France. Ce que JA rapporte avoir entendu dire à un illustre prélat [Gilbert I Burnet (?)] fait d'ailleurs penser à Micheli que son cousin n'est pas éloigné de cette vue et qu'il a même oublié les raisons qui incitent la nation à agir de la sorte. Micheli n'a pas la prétention de faire l'apologie du Corps helvétique, il veut seulement convaincre son cousin de la nécessité qu'a la Suisse de garder la neutralité. Si on prend la carte de la Suisse on voit que, après les dernières conquêtes, elle est presqu'entièrement encerclé par la France, mise à part une petite ouverture qu'il lui reste du côté de l'Allemagne et des Grisons. Dans tout le pays, il n'y a pas une seule place-forte capable de résister aux assauts. À cela, il faut ajouter que la nation a des intérêts particuliers avec ce pays tant à cause de la différence de religion, qu'à cause de la disposition des lieux, ou de l'engagement des chefs, notamment dans les petits Cantons. Outre cela, il y a une alliance avec la France, qui date de fort longtemps. Il est vrai qu'il y en a une aussi ancienne avec la maison d'Autriche et qu'ils ne veulent y donner aucune atteinte. On se plaint sans doute du grand corps de troupes suisses qui servent en France. Ce qu'on ne sait probablement pas, c'est que, de tout ce corps, il n'y a qu'un quart environ qui soit donné par les Cantons en vertu des alliances alors que le reste a été levé aux risques et périls des particuliers qui les ont enrôlés à leurs dépens. Il y a aussi des Cantons protestants, comme ceux de Zurich et de Schaffouse, qui n'ont pas du tout de compagnies dans le service. Berne n'a qu'un régiment de huit compagnies seulement, confiné en Catalogne et ne servant qu'à la défense du royaume. Si Bâle, Genève et Neuchâtel voulaient retirer maintenant leurs compagnies, elles devraient rompre avec une puissance qui les entoure de tous les côtés et sans la protection de laquelle elles ne pourraient subsister. Aussi sait-on bien qu'elles ont empêché les recrues avec la plus grande rigueur. JA sait tout cela. Peut-être les Cantons protestants auraient-ils voulu qu'on eût favorisé les entreprises des alliés en Piémont, en leur ouvrant une porte pour entrer en France. Mais outre que ce chemin est impossible pour ceux qui connaissent le pays, peut-on penser que le Corps suisse a oublié les prétentions que la maison d'Autriche a sur le pays? A-t-on oublié qu'il ne faut pas faire entrer dans son pays plus fort que soi ni mettre la nappe à ses dépens comme l'a fait le duc de Savoie [Victor-Amédée II]? JA croit-il que le Canton de Berne, qui a le plus favorisé ce dessein, a oublié que son territoire, depuis Morat jusqu'à Genève, est un pays de conquête? Et Genève, qui chaque année célèbre l'Escalade, ouvrirait-elle ses portes à un prince puissant et armé qui n'a rien plus à cœur que de la conquérir? On pourrait poursuivre l'argumentation de cet entretien en réfléchissant par exemple à la nature de cette guerre, difficile à définir et prêtant à discussion mais il s'arrête là. [Michel] Trembley est à présent parfaitement rétabli; cela change toutes les vues que son gendre [Antoine I Léger] aurait pu avoir; tout ce qu'on peut dire à ce sujet, c'est qu'il a un grand dégoût pour ce lieu. Micheli pense que si son beau-père était mort, il aurait songé à aller s'établir ailleurs. Il a sans cesse des vertiges et autres maux qui lui rendent toute concentration impossible. Il ne prêche plus et on ne sait pas si, à l'avenir, il pourra continuer à faire ses leçons de philosophie. [Daniel] Puerari est mort, par contre, et sa chaire est vacante. On a publié que l'intention des magistrats était de supprimer la chaire comme inutile. Vu le peu d'étudiants qu'il y a, une seule chaire serait suffisante. Il y a plusieurs prétendants, tant ecclésiastiques que séculiers, dont le filleul de JA, [François I] Mestrezat. Si Beddevole n'était pas mort, il serait peut-être venu troubler l'affaire. Il faut convenir que si on suivait la justice, c'est [Étienne] Jallabert qui devrait être retenu mais il a le péché originel, comme JA le sait. Celui-ci ne saurait pas imaginer combien de gens ont rendu visite à la famille pour parler en faveur d'une candidature de sa part. Après les avoir entendus, la famille a répondu que JA n'avait que vingt-un ans, qu'il était en voyage et qu'on voulait le laisser tranquille, outre que sa constitution est délicate. À cela, on a ajouté que, connaissant la modestie de JA comme on la connaissait, on était sûr qu'il ne s'impatienterait pas de se mettre un tel poids sur le dos. JA aura compris que Micheli n'est guère occupé par ses vendanges puisqu'il a le loisir de faire d'aussi longues lettres.

Adresse

[Angleterre]


Lieux

Émission

Le Crest (Genève)

RĂ©ception

Angleterre

Conservation

Genève


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