Lettre 432 de Étienne Jallabert à Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée, adressée. Inédite. (F)
Bibliothèque de Genève, Ms fr 487 (f.261-262)

Je croyois... qu'on

Jallabert ne s'habitue guère à l'éloignement de JA, qui lui devient chaque jour de plus en plus insupportable. Il voudrait qu'il revienne ou que lui-même puisse aller le rejoindre. Plus tard JA passera en Angleterre et plus tard il sera de retour. Du reste que fait-il actuellement en Hollande? Si c'est pour étudier, il pourrait le faire plus confortablement et peut-être plus utilement dans sa grande bibliothèque. Si c'est pour voir du monde, il lui semble qu'au fond les hommes sont tous formés de la même manière. Il le prie de l'attirer dans le pays où il est, comme il le lui avait indiqué dans sa lettre précédente, et d'y penser tout particulièrement quand il sera en Angleterre. Jallabert serait bien aise d'y trouver une maison et d'y enseigner les mathématiques ou la philosophie, ou en tout cas d'y avoir une occupation pour vivre sans être à la charge de qui que ce fût. On lui a dit que JA va soutenir (ou peut-être a déjà soutenu) des thèses en Hollande [Pyrrhonismus], ce qu'il approuve entièrement. Il est certain que celles que ses parents l'ont obligé de soutenir à Genève lui ont fait encore plus d'honneur que sa proposition et il en sera sûrement de même en Hollande. Quand un jeune rend des propositions très fortes, ceux qui ne le connaissent pas bien peuvent penser qu'il a été aidé par de grands loisirs, une bonne bibliothèque et de bons recueils. Il n'en va pas de même avec les thèses car, dans ce cas-là, il faut nécessairement avoir la science dans sa tête et non dans sa bibliothèque. Les promotions ont eu lieu lundi dernier et on y entendit plusieurs discours dont Jallabert pense que les sujets pourront intéresser JA. [Bénédict] Pictet traita de l'inconstance, prouvant, par les exemples suivants, que toutes les choses du monde subissent des révolutions : 1) un grand nombre de personnes citées 2) les quatre monarchies des Assyriens 3) les révolutions arrivées en France, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, au Portugal... Tout son discours fut rempli de citations et il mentionna les noms de plus de 2'000 personnes. [Michel] Turrettini traita des jeûnes des Juifs. [Antoine I] Léger prouva de façon convaincante que les fleuves et les fontaines ne proviennent que des pluies et des neiges. [Louis I] Tronchin étant incommodé, ce fut [Bénédict] Calandrini qui fit la clôture 1) en incitant les auditeurs à s'appliquer à l'étude des belles-lettres pour acquérir les lumières et les connaissances qui conduisent à un bonheur solide, car ce sont là des choses constantes et qu'on ne peut jamais perdre 2) pour ce qui est des jeûnes, il dit que l'ignorance étant la cause de toutes les superstitions et, en particulier, des jeûnes ridicules des Juifs, il fallait s'appliquer à l'étude des Lettres pour apprendre à connaître Dieu, à se connaître soi-même et à connaître la nature du service à rendre au Créateur 3) quant aux fleuves et aux fontaines, il déclara qu'il était étonnant qu'une masse aussi lourde que la terre fût fondée sur une chose aussi fluide que l'eau et que, comme Dieu répandait continuellement sur nous la rosée de sa grâce tout comme le ciel communiquait ses pluies à la terre, il fallait que, telle la terre qui pousse ses vapeurs vers le ciel, nous poussions aussi nos vœux et nos actions de grâce vers Dieu.

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