Lettre 1770 de Johann Rudolf Zwinger Ă  Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée. Inédite. (L)
Bibliothèque de Genève, Ms fr 493 (f. 230-231)

Reverendus Vir. Dn.

Andreas Hey, ministre de l'Église réformée de Strasbourg, a été impliqué, il y a des années, dans des controverses qui ne se sont pas encore assoupies. Le ministre luthérien de Wolfisheim (le village où les réformés célèbrent leur culte) avait affirmé, lors d'un sermon, que les calvinistes font de Dieu l'auteur du péché, un Dieu qui devient, dans leur doctrine du décret absolu, un tyran cruel; or, des personnes grossières ayant objecté cela à un certain réformé et s'étant réclamées de l'autorité du pasteur, le réformé, homme bien solide dans les chapitres de la religion mais révolté par l'offense qu'il venait d'entendre, répliqua que si le ministre avait réellement dit cela, il avait menti. Le comte de Hanovre dont dépend le bourg de Wolfisheim alerté, fit emprisonner le réformé, en le condamnant à se rétracter publiquement le dimanche à la porte du temple luthérien après le culte. L'homme, persuadé par Hey, se refusa vertement à faire une chose pareille, préférant mourir plutôt que de porter atteinte à la sainte religion par une palinodie infamante. Emprisonné, il a été soumis à des conditions de détention très dures et au seul régime du pain et de l'eau. Les tentatives qui ont été faites pour obtenir que le prisonnier s'excusât en privé auprès du pasteur luthérien n'ont rien donné car celui-ci ne s'estima pas satisfait d'un tel procédé. Une telle dureté a incité les pasteurs réformés à faire appel à un tribunal supérieur, la Chambre royale, qui se trouve à Colmar. Celle-ci s'est prononcée pour la libération du prisonnier mais sous la garantie de l'un des pasteurs qu'il paraîtra au tribunal pour trouver un accord. Un ami a relaté l'affaire à [Ernst] de Metternich qui a écrit une lettre au comte de Hanovre en faveur de l'homme et des réformés. Mais les luthériens n'ont pas voulu revenir de leur rigueur. Cette affaire préoccupe beaucoup les réformés strasbourgeois qui soupçonnent, non sans raison, que les théologiens de la ville remuent cette affaire et qu'ils se saisissent de l'occasion, pour le cas où, à la suite des négociations futures de la paix, ils se retrouveraient dans la situation d'antan, pour ruiner les réformés du lieu ou pour les acculer. La seule chose qui reste à faire est de prier de Metternich de plaider à nouveau l'affaire auprès du roi de Prusse [Friedrich I] et ensuite prier les prélats anglicans d'intercéder afin qu'on tienne compte de l'intérêt de l'Église réformée dans les négociations pour la paix. Zwinger estime que JA est le mieux indiqué pour plaider cette cause auprès de l'Église anglicane. Hey lui a envoyé la lettre ci-jointe en le priant de la faire tenir à JA et de l'accompagner de quelques mots. Il est tout à fait regrettable que les luthériens, éprouvés eux-mêmes par le joug de l'Antéchrist, se durcissent de plus en plus et ne veuillent pas abandonner les injures et les haines anciennes. Il est certain que si la paix et la tolérance régnaient parmi les protestants, s'ils formaient un corps uni, le papisme ne seraient pas loin de sa perte.

Adresse

[Genève]

Commentaire

Lieux

Émission

RĂ©ception

Genève

Conservation

Genève

Cités dans la lettre