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Lettre 109 de Anonyme Ă  Jean-Alphonse Turrettini

Sienne 29.07.1688 ? [04 Cal. August.]

Memens me promisse

L'expéditeur, fidèle à la promesse qu'il avait faite en quittant Genève, écrit à JA, ce qui lui est d'autant plus agréable qu'il regrette la conversation avec le jeune homme, qui laisse déjà entrevoir en lui l'image paternelle. La perte de François Turrettini est ainsi moins cruelle. Quant à lui, il n'a pas joui d'une bonne santé en Italie; il a été saisi à Florence d'une fièvre qui l'a alité pendant quinze jours et il ne s'en est pas encore complètement remis; il pense que les cieux d'Italie ne...

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Lettre 109 de Anonyme Ă  Jean-Alphonse Turrettini

Sienne 29.07.1688 ? [04 Cal. August.]


Lettre autographe, signée, adressée. (L)
Archives de la Fondation Turrettini (Genève), 1/Gd.S.2

Budé, Lettres, III, p.274-278. Traduite en français et datée 04.08.1689. Omissions.


Memens me promisse


L'expéditeur, fidèle à la promesse qu'il avait faite en quittant Genève, écrit à JA, ce qui lui est d'autant plus agréable qu'il regrette la conversation avec le jeune homme, qui laisse déjà entrevoir en lui l'image paternelle. La perte de François Turrettini est ainsi moins cruelle. Quant à lui, il n'a pas joui d'une bonne santé en Italie; il a été saisi à Florence d'une fièvre qui l'a alité pendant quinze jours et il ne s'en est pas encore complètement remis; il pense que les cieux d'Italie ne lui conviennent pas. Pas de livres, pas de personnes avec qui converser familièrement, la viande interdite le vendredi et le samedi, ce qui est bien incommode là où il n'y a pas de poissons. L'ignorance règne partout et il n'a de nouvelles que par les lettres qu'il reçoit d'Angleterre. Une fois qu'ils ont quitté Genève, ils ont traversé la Savoie, région horrible habitée par un peuple inculte au visage à peine humain et dont la difformité est accentuée par les vêtements. En remontant une rivière qui coule entre de très hautes montagnes, ils sont arrivés au pied du Mont-Cenis. Après une montée très rapide, ils sont arrivés sur un plateau très étendu où se trouvait un lac d'où part un cours d'eau qui, se grossissant d'une foule de ruisseaux, devient une rivière importante. Après avoir franchi le plateau, couvert d'une épaisse couche de neige et plongé dans le brouillard, ils sont arrivés sur le versant italien et ont atteint Suse, portés dans des chaises en osier par des montagnards. Turin est une ville très agréable qui a été agrandie par feu le duc [Charles-Emmanuel II] ; le palais ducal est magnifique, rempli de tableaux précieux. Turin quitté, ils ont traversé une plaine très fertile que les pluies avaient rendue dangereuse à cause des très nombreux cours d'eau; ils sont passés par Vercelli et Novara avant d'atteindre Milan, qui est une grande et belle ville avec des églises magnifiques. Dans la basilique, tout en marbre, était exposé un clou de la croix et cela avait attiré une foule immense. Devant l'autel, il y avait des femmes qu'on disait démoniaques et qui hurlaient au contact du crucifix. On disait qu'elles étaient dans cet état à cause de leur incrédulité qui les a livrées au diable. Ils ont visité le superbe mausolée du cardinal Borromeo; le visage est assez bien conservé, à l'exception du nez, mais pour ce qui est du corps, il ne reste que des os. On raconte beaucoup de miracles que celui-ci aurait faits, en particulier quand la ville fut ravagée par la peste. L'expéditeur a été déçu par la très célèbre Bibliothèque Ambrosienne dans laquelle il n'a pratiquement rien vu; soit qu'elle n'ait pas toutes les richesses qu'on lui attribue, soit qu'on n'ait pas pu ou voulu les lui montrer. Ainsi il avait demandé au responsable de la bibliothèque, qui le questionna sur sa foi catholique, de lui montrer les plus anciens manuscrits grecs, notamment du Nouveau Testament, pour voir si on trouvait dans tous des accents. On lui a montré plusieurs commentaires de Chrysostome mais aucun Nouveau Testament grec, juste un codex latin dans lequel manquaient toutes les Épîtres et qui doit être celui dont parle Burnet dans son Voyage [Some letters]. Il a été mieux satisfait à Florence où il a rencontré Magliabechi (dont parle aussi [Gilbert I] Burnet) qui lui a ouvert aimablement la Bibliothèque Laurentienne, la plus riche parmi toutes celles qu'il a visitées jusqu'à présent. Il a pu ainsi voir plusieurs codices grecs du Nouveau Testament dans lesquels manque le verset de Jean; il a vu aussi [...] qui est en très bons caractères et avec des accents, ce qui est une preuve pour nier son antiquité. Magliabechi vit seul et ne mange que du pain et de l'ail avec du sel. Il y a des livres partout, tous les sièges et même les escaliers en sont remplis, de sorte qu'il est difficile de monter et de descendre. Il a une mémoire exceptionnelle, se rappelle de tout et n'a besoin d'aucun catalogue pour chercher un volume dans sa bibliothèque. Rien de nouveau ne se publie en France, en Hollande ou en Angleterre qu'il ne l'achète. Personne n'est plus savant que lui en matière de livres.

Adresse

Genève


Lieux

Émission

Sienne

RĂ©ception

Genève

Conservation

Genève


Cités dans la lettre

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