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Lettre 105 de Johann Heinrich Gernler Ă  Jean-Alphonse Turrettini

La Haye 13.06.1688 [03/13.06.88]

C'est trop longtems

Gernler a bien reçu la lettre dans laquelle JA lui parle des études qui l'occupent actuellement, à savoir les mathématiques, la géométrie et l'algèbre. Il pense que les mathématiques pourront lui être utiles, notamment pour la physique, mais à condition qu'il ne s'y enfonce pas trop; il est destiné, tant par les vœux de son père et la tradition familliale que par ses dons extraordinaires, aux plus hautes études de théologie. Pour ce qui est de l'algèbre, il ne peut pas en dire grand chose mais i...

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La Haye 13.06.1688 [03/13.06.88]


Lettre autographe, signée. Inédite. (F et L)
Archives de la Fondation Turrettini (Genève), 1/Gd.G.8


C'est trop longtems


Gernler a bien reçu la lettre dans laquelle JA lui parle des études qui l'occupent actuellement, à savoir les mathématiques, la géométrie et l'algèbre. Il pense que les mathématiques pourront lui être utiles, notamment pour la physique, mais à condition qu'il ne s'y enfonce pas trop; il est destiné, tant par les vœux de son père et la tradition familliale que par ses dons extraordinaires, aux plus hautes études de théologie. Pour ce qui est de l'algèbre, il ne peut pas en dire grand chose mais il partage l'avis de JA : elle n'est pas d'une grande utilité; alors que la géométrie a encore ses usages et il est bon d'en prendre quelque teinture, comme on l'a conseillé à JA, pourvu qu'il n'y perde pas sa liberté d'esprit. Pour la lecture des auteurs romains, plus JA les lira, plus il y prendra goût, de même qu'aux histoires romaines et grecques. Il est aussi heureux de savoir son correspondant musicien; il semble apprendre à se délasser et à consacrer du temps aux amis. Cela est très important puisque l'honnêteté dans la conversation est tout aussi essentielle dans le commerce du monde que l'érudition. C'est du reste ce qui manque le plus à Gernler depuis son départ de Genève, n'ayant trouvé que très peu de gens qui ait un accueil aussi favorable et naturel qu'on l'a dans cette ville. Quant aux livres qu'il lui a demandés, il est ravi qu'on puisse espérer voir bientôt publiés les canons de François Turrettini, à condition que [Bénédict] Pictet se hâte et ne frustre pas plus longtemps le public d'une pièce aussi utile. Il n'a pas encore reçu les deux paquets que JA lui a envoyés par les marchands de la Foire de Francfort, mais il en écrira le soir même à Leyde. Quant à la deuxième lettre envoyée par JA, elle est arrivée, avec le paquet de harangues [Pictet, Benedicta memoria]. C'était à l'heure même où Gernler partit de Leyde pour la Haye, par le même bateau que celui de Pictet le Brandebourgeois [Pictet de Waremberg]. C'est pourquoi il remit les harangues destinées à [Friedrich] Spanheim, Le Moyne et Charles [II] Drelincourt à Fischer, un ami de Berne. Il s'est aussi chargé de distribuer, ou de faire distribuer, les autres à leurs destinataires qu'il énumère. L'entretien avec [Gilbert I] Burnet, auquel Pictet avait destiné un exemplaire, a été court, car ce théologien était pressé. Il lui a dit qu'il cherchait à écrire à Genève mais sans se servir de la poste. Gernler avait reçu quelques semaines auparavant un autre paquet de harangues, transmis par [Pierre I] Got. Il n'a gardé que l'exemplaire destiné à Wittichius, mort depuis un an, et a distribué les autres. L'entretien qu'il a eu avec Burgersdijk a confirmé ce que Pictet disait dans la harangue. Spanheim est tombé gravement malade mais, grâce à Dieu, il s'en est sorti, même si, pour le dire franchement, il n'atteindra pas un âge très avancé. Trigland est l'homme du monde le plus honnête et il a gagné beaucoup sur l'esprit de Gernler. Celui-ci est ravi d'apprendre que JA entrera bientôt en correspondance avec les plus savants théologiens; il tirera une grande satisfaction de celle qu'il entretiendra avec [Samuel] Werenfels et Lenfant. Il estime aussi beaucoup le professeur [Johannes] Wettstein. Il a su que Jurieu était malade et que, même s'il s'en sortait, il ne serait plus en état de travailler comme avant. Il n'en sait rien d'assuré toutefois, de même qu'au sujet de Bayle, qui est civilement mort. Pour ce qui est des divisions entre coccéiens et voétiens, il partage l'avis de JA; c'est l'œuvre de l'esprit malin. Qui connaît ces grands hommes ne peut que s'étonner de voir à quel point ils se laissent emporter par leurs passions. À dire vrai, il estime que les coccéiens ont davantage de tort que les autres, sans pour autant excuser ces derniers. S'il découvrait quelque grande vérité, il préférerait se taire plutôt que de rompre la paix de l'Église en la proposant. Il trouve par ailleurs parfaitement bonne la façon qu'ont les coccéiens d'enseigner la thé"ologie, même s'ils s'adonnent un peu trop à l'explication des prophéties. Il ne comprend pas pourquoi [Paul] L'Escot tarde tellement à se faire recevoir, en dépit des exhortations de tous ses patrons. Gernler lui envoie ses amitiés. Il aimerait lire ou écouter quelques-unes des dissertations de JA mais il n'est pas du nombre de ces heureux. Il estime que la morale est, dans la prédication, l'essentiel de l'action. Les premiers chrétiens en faisaient le plus de cas et Chrysostome le prouve dans ses Homélies. Pour suivre leurs traces et bien faire cela, il faut sonder le cœur humain, pénétrer tous ses détours et ses ruses, pour y apporter remède efficacement. Quant à Gernler lui-même, il est entré ici en condition. Il n'aura donc pas la consolation de revoir JA de si tôt; il ne sait pas combien de temps il restera en Hollande mais, si cela ne tenait qu'à lui, il resterait tout au plus trois ans, pour ne pas être totalement oublié à Bâle et obtenir là-bas quelque avancement. Il reviendra en passant par l'Angleterre et la France pour revoir sa chère Genève. Il regrette beaucoup son séjour genevois, la meilleure partie de sa vie. [Henri] Guip est à Amsterdam mais Gernler ne l'a jamais rencontré. Il a reçu la lettre que JA lui avait envoyée pour lui. Quant à son frère [Theodor], il serait très fâché s'il ne continuait pas son commerce avec JA. Il sait peu de nouvelles. L'Électeur de Brandebourg [Friedrich III] a écrit aux États Généraux après son élévation et a dit que le moment serait venu pour tous les protestants de s'unir pour le maintien de la religion et qu'il y contribuerait pour tout ce qui dépendrait de lui. Gernler a vu ici l'Électeur de Saxe [Johann Georg II], qui doit avoir promis 15'000 hommes au prince d'Orange [Guillaume]. On fait beaucoup d'état de cette alliance. Les affaires d'Angleterre tiennent tout le monde en haleine; on attend de savoir l'issue du refus opposé par quelques évêques à Jacques II [Stuart] de publier la liberté de conscience. La reine [Maria Beatrice d'Este] doit bientôt accoucher.

Adresse

[Genève]


Lieux

Émission

La Haye

RĂ©ception

Genève

Conservation

Genève


Cités dans la lettre

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