Lettre 677 de Barthélemy Micheli du Crest à Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée. Inédite. (F)
Archives de la Fondation Turrettini (Genève), 1/Gd.M.20

Votre lettre du 15e

Il y a eu de nouveau du retard dans l'arrivée des lettres de JA; il faudrait peut-être qu'il écrivît désormais le lundi qui est, de plus, un jour favorable à ce genre d'exercices. Micheli part le jour même pour la campagne et ne sait pas quand il reviendra. Cette année les moissons sont misérables, le blé terriblement cher et l'expéditeur ne sait pas ce qu'il adviendra. Beaucoup de gens s'en vont mais il en reste toujours trop pour la petite récolte qu'on fera; le pire est que les pays voisins, chez qui Genève pouvait s'approvisionner, sont dans une situation semblable. Que va-t-il arriver si le duc de Savoie [Victor-Amédée II] s'avise de passer en Savoie, comme il semble vouloir le faire? Il fait raccommoder les chemins du Val d'Aoste. À Chambéry, on ne s'en inquiète pourtant pas. [Charles Fortin] de la Hoguette est resté tranquille jusqu'ici et on n'a pas déplacé de troupes du côté des passages de la Maurienne et de la Tarentaise. On sait pourtant qu'il y a déjà eu quelques attaques du côté du Pragelas; mais il est trop tôt pour savoir si le duc veut s'en prendre à Pignerol. Tout le monde a été content d'apprendre que JA avait l'intention de passer au plus tard à l'automne; certes, s'il en décidait autrement, on en serait aussi d'accord mais, en vérité, on a tous envie de le revoir et on se fait du souci pour sa santé. Il ne lui reste donc qu'à bien profiter des trois mois qu'il passera en France, pour en visiter aussi les plus beaux endroits sur le chemin du retour. Il faut qu'il fasse toujours attention à sa santé, d'autant plus que le temps est cette année très variable. La beauté du pays est telle qu'il faudrait avoir de bonnes jambes pour marcher mais avec toutes les personnes que JA a à voir, il est préférable qu'il se serve d'une chaise ou d'un carrosse. Et surtout il ne doit aucunement se soucier de la dépense mais seulement des choses nécessaires à sa santé. Il peut imiter en cela l'attitude des Genevois qui, jusqu'aux moindres artisans, laissent leur vin vert dans les caves et en achètent du bon de Provence et du Languedoc. Cela a sûrement épargné pas mal de coliques aux pauvres ivrognes. Micheli se réjouit d'apprendre que le procès de l'oncle Bénédict [II Turrettini] avance; il faut que JA batte le fer tant qu'il est chaud. L'affaire est du reste plus importante qu'il n'y paraît et le chagrin de Bénédict ne finira qu'avec la fin du procès. On est fâché de ne pas avoir su à temps que JA désirait quelques exemplaires de ses thèses [Pyrrhonismus] car on aurait pu les fourrer dans les sacs d'herbes comme des enveloppes. Mais on pourra réparer cela facilement car la tante Marie [I Turrettini] a fait une bonne provision d'herbes au cas où les amis de JA en désireraient. Micheli n'a pas entendu dire que les Psaumes de de La Bastide [Amsterdam, 1692] aient été réimprimés à Genève; on parlait il y a quelque temps d'imprimer sa traduction en prose mais il n'en a plus rien su. Il ne croit pas qu'il y ait déjà quelque chose d'imprimé de la Morale de [Bénédict] Pictet mais il s'en informera. La révision de la Bible par [Louis I] Tronchin, [Michel] Turrettini et [Bénédict] Pictet va être achevée d'imprimer [Genève, 1693]; on voulait y ajouter les Psaumes de Conrart [Genève, 1679] revus par ces mêmes messieurs et [Jean] Saurin mais [Bénédict] Calandrini et d'autres pasteurs, fortement attachés à l'ancienne barbarie, s'y opposent avec tellement de force que Micheli doute que cela ne se fasse. À propos d'imprimerie, l'affaire de JA avec [Samuel I (?)] de Tournes n'est pas encore finie, quelque peine qu'ait pu prendre [Robert] Rilliet, le seul à pouvoir démêler la chose.

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