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Lettre 313 de Jacques Bernard Ă  Jean-Alphonse Turrettini

La Haye 26.09.1691

Trois ou quatre

Des malades qu'il a eus à la maison et le travail de la Bibliothèque universelle ont empêché Bernard de répondre à la lettre de JA. Il a lu les deux premières parties de la philosophie de Regis [Système de philosophie]. Tout comme JA, il estime la logique passable, sa meilleure qualité étant de toute façon la brièveté. Elle ne contient rien de nouveau, juste quelques généralités. En revanche, la métaphysique est pitoyable, avec des choses très communes et très fausses, cachées sous...

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La Haye 26.09.1691


Lettre autographe, signée, adressée. Inédite. (F)
Bibliothèque de Genève, Ms fr 485 (f.56-57)


Trois ou quatre


Des malades qu'il a eus à la maison et le travail de la Bibliothèque universelle ont empêché Bernard de répondre à la lettre de JA. Il a lu les deux premières parties de la philosophie de Regis [Système de philosophie]. Tout comme JA, il estime la logique passable, sa meilleure qualité étant de toute façon la brièveté. Elle ne contient rien de nouveau, juste quelques généralités. En revanche, la métaphysique est pitoyable, avec des choses très communes et très fausses, cachées sous de nouvelles expressions. C'est comme Spinoza, qui donne souvent des définitions qu'on lui accorde, parce que «verba valent usu», et qui prétend en tirer des conclusions touchant le fonds des choses. Il y a souvent des sophismes, comme lorsqu'il refuse les causes occasionnelles. Mais il veut des causes efficientes secondes qui ne sont qu'un instrument de Dieu. On peut aussi se demander si, dans le chapitre où il réfute ceux qui disent que Dieu aurait pu faire l'homme plus parfait, il dévoile vraiment le fonds de sa pensée. De même, ce qu'il dit à propos de l'âme séparée du corps pourrait faire penser qu'il croit à la métempsychose. Pour Bernard, la mémoire est essentielle à l'âme et une âme qui oublierait tout ne serait pas trop différente d'une âme détruite et reproduite. Ce qu'il dit sur l'esprit pur se réduit à peu de choses, alors que Bernard pense que, si la connaissance de Dieu est très parfaite, la connaissance de ses ouvrages suppose qu'on la désire. Il s'accommode mal d'une spiritualité selon laquelle, après la mort, l'esprit n'aurait pas la faculté de voir ce qui se passe dans les autres mondes. Il suggère à JA de demander à Bayle ce qu'il pense de cette métaphysique. Par ailleurs, sa réponse [Entretiens sur le grand scandale; La chimère de la cabale] paraîtra bientôt mais il semble que ses amis intimes n'en aient pas une bonne opinion et que lui-même n'en soit pas très satisfait. Il contestera tous les mots de son adversaire [Jurieu] et il lui montrera qu'il n'y a pas de démonstration mathématique à l'appui de sa thèse mais il suffit en réalité qu'il y en ait une morale. À quoi bon cette édition de Paris, cette histoire de privilège, ces fraudes? Pourquoi ne pas faire comme il avait fait dans le Commentaire philosophique où il avait opposé conjecture à conjecture? Bayle a beau dire qu'un athée peut suivre les règles de droiture, il sera bien tenté de s'en éloigner, alors que la crainte de Dieu nous incite à faire notre devoir. C'est une preuve de grande lâcheté d'écrire contre un pays qui vous protège et vous entretient et de fournir des armes à son ennemi. Il n'a, du reste, plus aucune réputation aux yeux du Magistrat et il ne pourra plus la reconquérir dans ces Provinces. JA jugera peut-être Bernard emporté, mais il faut bien avouer qu'il n'aime guère les fripons et estime, entre toutes les vertus, la candeur et la bonne foi. Il a bien cru que [Charles] Ancillon était le grand homme de Berlin qui avait écrit l'ouvrage [Histoire de l'établissement] dont Le Clerc a dit [dans la Bibliothèque universelle et historique] qu'il était bon pour les vieillards car imprimé en beaux caractères. Mais JA ne sait peut-être pas qu'il est proche parent de Du Viviés. S'il savait ce que JA en dit, il le ferait mettre en prison. [Fabrice] Burlamaqui est sûrement le ministre de Genève par les mains duquel passe un grand nombre de livres de théologie. Mais cela en fait-il un grand théologien? Pour la même raison, on devrait en dire autant de [Samuel I (?)] de Tournes et de [Jean-Antoine] Chouet. Il pense en réalité que cet homme connaît mieux l'art de tromper son voisin et d'amasser des louis d'or que celui d'expliquer l'Écriture. JA a l'intention d'assister, à Ter Goude, au prêche de Bernard mais cela embarrasse beaucoup l'expéditeur; si néanmoins il insiste, ils pourront partir de Rotterdam, où il doit se rendre", par le chariot de dix heures. [Jean-Antoine] Dautun doit s'attendre dans ce cas-là à faire l'action de grâces du dimanche soir. Bernard ira au cours de la semaine à Amsterdam pour se changer les idées, après un mois de travail acharné; JA pourrait se joindre à lui, [Henri Basnage] de Beauval y sera également. Il ne dit rien de Messieurs Saurin [Élie, François (?)] puisqu'ils auront l'occasion d'en parler de vive voix. Jurieu prétend que l'aîné [Élie] est nestorien et se fonde pour le dire sur la lettre de Jaquelot [A Messieurs les pasteurs]. Bernard et Basnage de Beauval ont des opinions différentes au sujet de cette lettre.

Adresse

Rotterdam


Lieux

Émission

La Haye

RĂ©ception

Rotterdam

Conservation

Genève


Cités dans la lettre

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