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Lettre 4716 de Hans Kaspar II Escher à Jean-Alphonse Turrettini

Zurich 29.12.1734

Je vois par celle

Escher doit avouer à JA que le récit que celui-ci lui a fait des derniers événements de Genève est très différent de celui que les meilleurs négociants genevois (et de ceux complètement étrangers aux troubles et donc non suspects) ont envoyé par lettre. Cela lui fait comprendre combien il est nécessaire de marcher bride en main pour éviter de faire culbuter toute la charge. Il plaint de tout cœur ces Messieurs qui ont perdu leurs charges, de façon illégale, mais cela s'est fait dans un orage et...

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Zurich 29.12.1734


Lettre autographe, signée. (F)
Archives de la Fondation Turrettini (Genève), 1/Gd.E.5

Budé, Lettres, II, p.7-11. Omissions.


Je vois par celle


Escher doit avouer à JA que le récit que celui-ci lui a fait des derniers événements de Genève est très différent de celui que les meilleurs négociants genevois (et de ceux complètement étrangers aux troubles et donc non suspects) ont envoyé par lettre. Cela lui fait comprendre combien il est nécessaire de marcher bride en main pour éviter de faire culbuter toute la charge. Il plaint de tout cœur ces Messieurs qui ont perdu leurs charges, de façon illégale, mais cela s'est fait dans un orage et ne nuit en rien à leur réputation; il faut laisser passer la tempête et attendre le retour du beau temps. Il est inutile et même pernicieux de se fâcher contre la généralité; au lieu de l'irriter, il faut plutôt l'instruire. Il faut maintenant sauver le vaisseau, qui est dans une confusion plus grande qu'on ne l'a cru à Genève; autrement l'amour de la patrie aurait fait tenir une tout autre conduite et, au lieu de s'irriter, on se serait réconcilié. Pour l'instant, Zurich n'a pas encore écrit au nouveau Conseil, préférant attendre la suite et le voir à l'œuvre; on attend aussi l'avis de Messieurs de Berne, qui semblent vouloir agir avec beaucoup de circonspection et de prudence. On leur a fait un grand tort en doutant d'eux à Genève; ce galant homme, dont il a oublié le nom, qui a fait la harangue aux syndics [Louis Le Fort, Jean Trembley, François I Pictet, Théodore de Saussure] après le dernier Conseil général, attribue de beaux caractères aux Genevois mais il aurait dû ajouter que, pour le moment, ses concitoyens sont des alliés fâcheux, puisqu'ils ne se font aucun scrupule de débiter des faussetés sur le compte de leurs alliés et s'attendent à ce que ceux-ci se chargent de tout le paquet. Au lieu des modes françaises, les magistrats auraient mieux fait d'étudier le Cyrus de Xénophon ou le Télémaque de Monsieur de Cambrai [Fénelon]. C'est par ces excellentes maximes que toutes les républiques devraient être gouvernées; elles sont radicalement aristocratiques et elles auraient épargné toute la peine qu'il y a eue. Il est étonné du peu de fermeté dont a fait preuve le Grand Conseil le 6 décembre; s'il avait marqué avec douceur que ce qu'on lui demandait lui causait de la peine et qu'il voulait en conférer avec les alliés, il ne lui serait arrivé aucun mal de la part de la belle bourgeoisie genevoise. Personnellement il préférerait mourir plutôt que de se laisser forcer ainsi la main. Il est aussi surpris du fait qu'on ait trouvé des personnes, appartenant même aux meilleures familles, qui aient accepté de remplir les charges laissées vacantes. Cela montre combien de malades il y a à Genève et révèle que la doctrine de Calvin avait jadis mieux formé les esprits. La crainte de l'Éternel est un bien meilleur bouclier contre ces sortes de tentations que la morale froide de quelques jeunes ministres. La doctrine de Calvin "de comburendis hæreticis" était un reste de son éducation qu'on peut bien lui pardonner et qu'on peut ne pas suivre; la doctrine de la prédestination telle qu'il l'a regardée n'a rien que de magnifique et de grand par rapport à Dieu et rien que de consolant par rapport aux fidèles. Il connaissait sûrement toutes les contradictions qu'on pouvait lui opposer mais sa métaphysique transcendantale l'a fait glisser dessus et cela nous fait de la peine. Il faut à notre tour glisser un peu sur le dogme même mais sans abandonner ce que sa manière de prêcher, d'instruire le peuple et de former les esprits avait de divin. C'est en Dieu qu'il faut chercher la gloire et non dans les opérations de l'entendement. La liturgie genevoise a paru excellente à Escher; il espère que les jeunes ministres s'y conformeront dans leurs sermons. Il a vu la médaille de [Louis] Le Fort; elle est faite avec un art merveilleux et on voit bien que [Jean] Dassier y a travaillé par affection. Le revers n'est pas aussi malicieux qu'on l'avait débité. Si les choses en étaient restées sur le même pied où on les avait laissées au moment de la visite des alliés, elle aurait pu faire honneur à la mémoire de Le Fort, mais à présent, elle est un monument de la destruction illégale de ses collègues et du mépris, certainement non mérité, envers les alliés. Il est très difficile de résister à ce qui flatte. Parmi les personnes du Conseil, il a la plus grande confiance en [David] Sartoris, puisqu'il ne connaît pas bien les autres membres. Ses idées ont toujours été différentes de celles de la généralité mais pourtant celle-ci a toujours gardé du respect pour lui.

Adresse

[Genève]


Lieux

Émission

Zurich

Réception

Genève

Conservation

Genève


Cités dans la lettre

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