Lettre 4386 de Jean I Barbeyrac Ă  Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée, adressée. (F)
Bibliothèque de Genève, Ms fr 484 (f.276-277)

Extraits dans Meylan, Barbeyrac, p.149, 150.

Je fus... très-agréablement

À leur arrivée à Groningue, le fils de JA et [Jacob] Vernet ne se sont pas adressés tout de suite à Barbeyrac et se sont mis à la recherche d'une auberge dans laquelle on parlât français. Heureusement que Barbeyrac a été informé de leur arrivée à temps et a pu les retirer d'un logis pas très satisfaisant et les accueillir chez lui. Il a été content de faire la connaissance de l'un et de l'autre: le fils de JA reflète la douceur du père et est un parfait honnête homme; JA a raison de faire davantage de cas de cela que d'une grande disposition envers l'étude. Vernet a confirmé la haute opinion que Barbeyrac s'était faite de lui en lisant ses écrits. Il les a par la suite rejoints à Amsterdam pendant quelques semaines avant de les laisser à Utrecht. Pour les nouvelles littéraires, voilà ce qui suit: la Bibliothèque belgique a cessé de paraître et la Société qui éditait le Journal littéraire le continuera sous un autre titre alors que le libraire qui a acheté l'ancien périodique en poursuivra la publication sous le même titre; il en donnera la moitié moins, en réservant l'autre aux Lettres sérieuses et badines. On a réimprimé les Œuvres diverses de Locke [Amsterdam, 1732] en joignant un nouveau volume dû à Camusat, dont Des Vaux avait assuré la traduction il y a longtemps [Amsterdam, 1710] ; ce même Camusat donnera une "Vie de Leibniz" qui sera insérée à la tête de la nouvelle édition de la Théodicée [Amsterdam, 1734]. Il est installé à Amsterdam où il est réduit à travailler pour les libraires mais ses conditions de santé font qu'il n'en aura pas pour longtemps. L'"Essai sur la religion naturelle", l'un des Mémoires concernant la théologie et la morale dont on fait espérer la continuation, a paru; Vernet a dit à Barbeyrac que l'auteur en était Abauzit et Barbeyrac s'est souvenu en avoir vu le manuscrit à Lausanne. On avait envoyé aussi un Discours historique et critique sur l'Apocalypse, toujours attribué à Abauzit mais que [Charles] de La Motte n'a pas voulu insérer par peur que l'auteur ne l'agréât pas. Barbeyrac lui-même a lu le texte en anglais [London, 1730] et le libraire qui le lui a montré l'a assuré de l'identité de l'auteur mais rien dans la préface ne permet d'affirmer qu'il s'agit d'une traduction en anglais d'une autre langue; on dit seulement que l'auteur, pour d'évidentes raisons, ne veut pas être connu. On a imprimé des Remarques sur l'Histoire de Charles IX de Voltaire dont on aura une deuxième édition en Hollande; Saint-Hyacinthe a fait une critique de l'Henriade. L'impression d'un Lucien [Amstelodami, 1743] et d'un Tite-Live [Amstelædami et Lugduni Batavorum, 1738-1746] ne sont pas très avancées alors qu'on réimprimera le Pausanias de l'abbé Gedoyn [Paris, 1731] aussitôt qu'on aura terminé le Théâtre des Grecs du père Brumoy. On attend la parution de l'Histoire de l'Ile de Saint Dominique [de Charlevoix] et la réimpression du Moreri [Dictionnaire, Amsterdam, 1740 (?)]. Le Pufendorf de Barbeyrac [Le droit des gens, 1733] avance bien, le premier volume étant entièrement imprimé et le deuxième à raison de trente feuilles; si tout continue comme cela, il devrait sortir à la fin de l'hiver prochain. Barbeyrac a vu à Amsterdam celle qui s'est faite à Bâle [1732] et dans laquelle on a eu le courage d'indiquer qu'il s'agissait d'une quatrième édition revue et augmentée considérablement mais on a oublié de modifier le titre de Barbeyrac, qui y est encore désigné comme étant professeur à Lausanne. Tout lecteur attentif verra qu'il s'agit d'une copie de la deuxième édition [Amsterdam, 1712], semblable à celle qu'on a faite à Paris [1712]. L'éditeur de Barbeyrac a fait mettre un avis dans les gazettes hollandaises pour rétablir le vérité. Barbeyrac charge JA de deux commissions, auprès respectivement de [Jean-Antoine (?)] Fatio et"de [Michel] Léger: au premier, il faudrait dire qu'il ne peut malheureusement pas lui rendre compte de la conclusion de son affaire; au second, que la demande des Vallées vaudoises concernant un étudiant à envoyer à Groningue n'a pas encore été examinée et que le curateur, que Barbeyrac est allé voir avec le recteur, ne lui donna pas grande espérance pour la réussite de la démarche, qui, même si elle se concluait par une réponse positive, ne correspondrait pas aux attentes des pasteurs vaudois. Il a renoué les contacts avec [Jean-Pierre] de Crousaz qui depuis un certain temps avait manifesté ce désir à leur ami commun de La Motte; il a fini par écrire à Barbeyrac qui lui a répondu par une lettre du même ton bienveillant et ainsi le commerce épistolaire a repris. De Crousaz a quitté Kassel le 16 de ce mois et JA ne tardera pas à le voir; il faudrait lui dire que Barbeyrac a vu à Amsterdam son livre contre les pyrrhoniens, qu'on achevait d'imprimer. La vue de [Jean] Le Clerc a été pour Barbeyrac un triste spectacle; il a eu l'impression d'être reconnu mais très confusement; la paralysie qui l'a atteint sur la langue fait qu'on n'entend presque rien de ce qu'il dit.

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