Lettre 4145 de Jean-Pierre Crousaz  à Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée, adressée. Inédite. (F)
Archives de la Fondation Turrettini (Genève), 1/Gd.C.36

Les marques de

De Crousaz se fait toujours beaucoup de soucis pour la santé fragile de JA; à chaque nouvel ouvrage on craint qu'il ne s'agisse du chant du cygne. Il a lu avec beaucoup d'admiration la dernière dissertation de son ami, dont le sujet [l'existence de Dieu] a fait couler plus d'encre ces derniers temps que pendant des siècles; la façon dont JA en parle dépasse toutes les autres. Il attend avec impatience celles qui suivront. Les sciences et la religion sont dans un triste état en Allemagne: des cours de logique de six mois, comme en Hollande, plus propres à gâter l'esprit qu'à le rectifier; des cours de physique de la même teneur; et quant à ceux qui, par leurs connaissances mathématiques, pourraient apporter des éclaircissements, ils ne se préoccupent que de donner chaque jour de nouvelles marques en faveur de la métaphysique leibnizienne. Ils oublient du reste que c'est en tant que mathématicien que Leibniz a acquis sa grande réputation; sans cela ses rêveries métaphysiques auraient eu le sort qu'elles méritent. À cela il faut ajouter le mépris dont on fait preuve à l'égard de ceux qui font profession des lettres; on marque un peu plus d'empressement pour les médecins parce qu'on en a besoin; les jurisconsultes sont encore un peu consultés mais les théologiens sont tout à fait négligés. Il faut dire que certains parmi ces derniers sont en partie cause de ce qui leur arrive. Le ministre de la Cour est un homme très savant, très sensé et très éloquent; il est très considéré par rapport aux autres mais pas autant qu'il le mérite. De Crousaz n'a interdit aucun des loisirs habituels au jeune prince [Friedrich II de Hesse-Kassel] mais il l'a accompagné partout de façon à l'instruire convenablement. Il fait l'éloge de [François] Martel, qui a encore une vigueur d'esprit et de corps exceptionnelle. On vient de perdre un bon prince [Karl VIII], plein de qualités et doué d'une très grande générosité. Le roi de Suède [Friedrich I], qui a une infinie tendresse pour son neveu, honore de Crousaz de son estime.

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