5000 Lettres

Lettre 3166 de Jean-Alphonse Turrettini à William Wake

[Genève] 05.02.1722 [05.02.1722 (n.s.)]

Je me trouve honoré de deux

JA remercie Wake de l'envoi du livre de [John] Clarke sur l'origine du mal moral; il s'agit de l'une des questions les plus difficiles de la théologie. Elle avait été traitée par Bayle de manière très dangereuse mais il y a eu des réponses excellentes de la part de [Jean] Le Clerc, de Jaquelot, de Leibniz et dans le livre de l'archevêque de Dublin [King, De origine]. On est donc bien muni contre les attaques des impies. De Crousaz travaille actuellement à un ouvrage contre le pyrrhonisme...

Lettre 3166 de Jean-Alphonse Turrettini à William Wake

[Genève] 05.02.1722 [05.02.1722 (n.s.)]


Lettre autographe, signée. Inédite. (F)
Christ Church Library (Oxford), Arch. W. Epist.31 (121-123)


Je me trouve honoré de deux


JA remercie Wake de l'envoi du livre de [John] Clarke sur l'origine du mal moral; il s'agit de l'une des questions les plus difficiles de la théologie. Elle avait été traitée par Bayle de manière très dangereuse mais il y a eu des réponses excellentes de la part de [Jean] Le Clerc, de Jaquelot, de Leibniz et dans le livre de l'archevêque de Dublin [King, De origine]. On est donc bien muni contre les attaques des impies. De Crousaz travaille actuellement à un ouvrage contre le pyrrhonisme ancien et moderne où il réfutera les objections de Bayle [Examen du pyrrhonisme]. Wake a pu juger de la capacité de cet auteur en lisant sa Logique et sa réponse [Examen du Traité de la liberté de penser] au livre sur la liberté de penser [Collins, A Discourse] que Crousaz lui a certainement fait parvenir. L'affaire du Consensus, qu'on croyait, grâce à Dieu, définitivement enterrée, vient d'être réouverte, le Sénat bernois ayant décidé que la Formula sera de nouveau signée, sans aucune restriction ni modification, et que ceux qui la refuseront perdront leur emploi. La décision doit passer devant le Conseil des Deux-Cents et si elle est approuvée, comme il y a à craindre, elle sera exécutée. Tous les gens éclairés qui sont dans le pays ne sont pas en état de signer en conscience. On est donc très alarmé. Bien que l'avoyer régnant [Hieronymus] d'Erlach, qui est un homme de guerre, soit entièrement livré aux ecclésiastiques de Berne, il y a beaucoup de gens considérables dont l'avoyer [Christoph] Steiger – qui est l'un des amis de JA – qui sont beaucoup plus modérés. Il serait donc important que le roi d'Angleterre [George I] intervienne et exprime son désir qu'il y ait un adoucissement sur les questions de la grâce qui constituent la pierre d'achoppement avec les luthériens et entravent la réunion des protestants. Il faudrait que Wake intervienne auprès du roi et JA lui propose un modèle de lettre qui, perfectionnée par le destinataire, pourrait être très utile. Ce fut du reste une lettre analogue de l'Électeur du Brandebourg Friedrich Wilhelm qui convainquit l'Église de Bâle de laisser tomber le Consensus, dix ou douze ans après son établissement. De même la lettre du roi de Prusse [Friedrich I] à la Compagnie de Genève, qui disait qu'en abolissant les signatures, on avait contribué à la réunion, a adouci beaucoup de monde dans la ville. Townshend pourrait s'engager aussi à obtenir cette lettre; si cela n'était pas possible, on pourrait charger l'envoyé d'Angleterre à Berne [Manning] de s'engager fortement dans cette affaire. JA a reçu une lettre de Pfaff qui lui annonce que le roi d'Angleterre se rendra prochainement à Hanovre pour prôner l'union avec les protestants dans ses terres et au Brandebourg. Pfaff ajoute aussi qu'il est personnellement attaqué de tous les côtés à cause de son engagement pour la paix et qu'il a besoin que les rois d'Angleterre et de Prusse [Friedrich Wilhelm I] le soutiennent auprès de son prince [Eberhard Ludwig de Wurtemberg]. Si Pfaff est abandonné à la fureur des luthériens rigides, personne n'osera se prononcer pour la réunion. D'ailleurs Pfaff peut beaucoup pour le projet en tant que chancelier de l'Université de Tübingen et il est très célèbre par ses écrits. Les choses vont très bien à Genève et il faut espérer que l'agitation du voisinage ne viendra pas les perturber. Le Magistrat a nommé une commission mixte formée de représentants de son corps et de celui de l'Église pour le perfectionnement du service divin. Aussi bien JA que [Ludwig Friedrich] Bonet ont fait partie de cette commission; JA y a fait plusieurs propositions : 1) lire l'Écriture durant le service (comme dans l'Église anglicane) et non pas pendant que l'assemblée se forme, ce qui est indécent 2) revoir les liturgies, notamment celles du baptême, de la cène et du mariage, qui sont à bien"des égards défectueuses et les conformer, autant que cela se pourra, à la liturgie anglicane 3) lire, dans le service des jours de la semaine, les Argumens et réflexions d'Ostervald en lisant la Bible 4) introduire la réception publique des catéchumènes, comme à Neuchâtel; elle équivaut à une espèce de confirmation. Tout cela a été décidé par la commission et approuvé par la Compagnie. La révision des liturgies, dont JA avait été chargé, va ainsi être approuvée, il ne reste plus qu'à la présenter au Magistrat qui devrait l'accepter. [Ami] Lullin est très touché de l'accueil que lui a réservé Wake. Après une accalmie, la peste recommence à faire des ravages, notamment à Avignon, dans les Cévennes et dans le Bas-Languedoc. On continue de prendre toutes les précautions possibles. JA, connaissant personnellement Townshend, qui est maintenant le principal secrétaire d'État, avait pensé lui envoyer une lettre sur l'affaire du Consensus mais, avant de la lui faire parvenir, il aimerait avoir l'avis de Wake; si celui-ci la juge à propos, il pourra la lui faire tenir lui-même. En tout cas, si on obtient quelque chose, il ne faut absolument pas qu'on sache que cela est venu de JA mais il faudra toujours invoquer le désir de la réunion. Le colonel Stewart est très reconnaissant à Wake de ce qu'il a déjà fait pour lui; il lui demande encore de faire insérer dans l'acte de pardon la jouissance des biens qui lui sont échus depuis la confiscation. Au moment de clore cette lettre, JA vient de recevoir des nouvelles plus rassurantes concernant la contagion en France.

Adresse

[Angleterre]


Lieux

Émission

Genève

Réception

Angleterre

Conservation

Oxford


Cités dans la lettre