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Lettre 2922 de Jean-Alphonse Turrettini à William Wake

Genève 15.04.1719

Les dernieres Lettres

JA a trouvé les lettres de Wake du 26 février [voir 2917 et 2918] si curieuses et si utiles qu'en prévision de la visite que les envoyés bernois doivent faire à l'Académie de Lausanne, il les a fait parvenir à l'avoyer [Christoph Steiger] qu'il connaît personnellement et à qui il avait envoyé il y a quelques semaines un Sermon [1719]. En effet ce seigneur a très bien pris la chose et lui a dit qu'il partageait les mêmes sentiments que ceux de JA et de Wake; il a promis de faire un bon usa...

Lettre 2922 de Jean-Alphonse Turrettini à William Wake

Genève 15.04.1719


Lettre autographe, signée. (F)
Christ Church Library (Oxford), Arch. W. Epist.31 (65-67)

Adams, Wake's Gallican Correspondence, I, p.285-292.


Les dernieres Lettres


JA a trouvé les lettres de Wake du 26 février [voir 2917 et 2918] si curieuses et si utiles qu'en prévision de la visite que les envoyés bernois doivent faire à l'Académie de Lausanne, il les a fait parvenir à l'avoyer [Christoph Steiger] qu'il connaît personnellement et à qui il avait envoyé il y a quelques semaines un Sermon [1719]. En effet ce seigneur a très bien pris la chose et lui a dit qu'il partageait les mêmes sentiments que ceux de JA et de Wake; il a promis de faire un bon usage des lettres de l'archevêque. JA, qui joint une copie de la lettre de Steiger, tiendra son correspondant au courant de la visite de l'Académie lausannoise, qui devrait se faire la semaine prochaine. JA lui enverra aussi d'ici peu d'autres preuves considérables de la modération des théologiens de Suisse et d'ailleurs, en particulier au siècle de la Réformation, sur les questions de la grâce et de la prédestination. Les échauffés qui accusent leurs frères d'être des novateurs, sont en réalité eux-mêmes les vrais novateurs. Mais tout ce qu'on fera à Berne sera peu de choses tant que prévaudra à Zurich un esprit tellement emporté, comme le montrent les sermons et d'autres écrits qui ont été publiés à l'occasion du jubilé de leur Réformation. L'antistès par exemple [Johann Ludwig Nüscheler] a parlé dans un sermon de trois jubilés: 1) celui de 1519 quand Zwingli eut à combattre contre les anabaptistes 2) celui de 1619 quand [Johanm Jakob I] Breitinger s'opposa à Arminius lors du synode de Dordrecht, 3) celui de 1719 qui voit l'Église menacée d'un bouleversement général à cause de toutes les sectes qui se répandent, piétistes, enthousiastes, arminiens, amyraldistes, sociniens, rationalistes, athées etc. Hofmeister, professeur de grec, a fait une longue et tragique histoire des hérésies qui ont commencé au siècle passé, l'arminianisme, l'amyraldisme, le cappellisme, le placéisme, combattues dignement par la Formula Consensus dont il fait un grand éloge. Il a ajouté que ces hérésies lèvent encore la tête du côté du Léman mais qu'heureusement Berne veille à y mettre de l'ordre. Même s'il y a des esprits modérés, comme le père [Johann Baptista] de O[tt, Hans Heinrich II], un homme sage et savant, la plupart sont des échauffés. Mais JA va encore plus loin; en effet, même si on arrivait à imposer une certaine modération en Suisse, cela ne serait pas très considérable tant qu'en Hollande on continuera à être aussi rigide. Leur grand zèle pour le synode de Dordrecht et les signatures qu'ils imposent seront toujours un grand obstacle sur la voie de la réunification avec les autres protestants, les luthériens en particulier, qui sont choqués de cet état de fait. Il faudrait donc essayer quelque chose de ce côté-là aussi et ceci grâce notamment à l'étroite alliance et amitié entre l'Angleterre et les Provinces-Unies et au zèle de Withworth, qui est très bien disposé à l'égard de la réunification. Celui-ci pourrait sonder les esprits, s'entretenir avec les personnalités de l'État, leur faire sentir l'importance d'un adoucissement. S'il y avait trop de résistance, il laisserait tomber, en cas contraire ce serait très utile. En général, il serait souhaitable que cette affaire fût traitée de manière politique. Pour ce qui concerne les gens qui méprisent les confessions de foi et l'ordre ecclésiastique, il en avait déjà entendu parler et il est tout à fait regrettable qu'ils se servent du nom de JA et de celui de ses amis [Jean-Frédéric I Ostervald et Samuel Werenfels]. Il a vu l'un de ces écrits [Durette, L'Abus des Confessions (?)] où ce qu'il cite de lui ne touche guère ce point-là. Lui-même au contraire dans ses thèses contre l'indifférence des religions pose les principes qui renversent leurs thèses. Cela dit, il est vrai qu'il y a trop de gens qui poussent trop loin la soumission et l'obéissance qu'on doit aux confessions, qui restent toujours des écrits humains et donc sujets à l'erreur."Si on agissait autrement, on saperait le principe fondamental de la Réformation, qui est l'Écriture comme seule règle de la foi. Outre cela, il faut dire qu'il serait souhaitable que les confessions de foi ne fussent pas aussi longues et exprimées dans des termes si scolastiques, qui ne sont pas très importantes et qu'on a mieux éclaircies depuis. Wake avouera que, toute belle que soit la confession anglicane, lui-même l'écrirait aujourd'hui différemment; et on peut dire la même chose de celle de France. Mais cela n'empêche que, pour l'ordre, on doive s'y soumettre de même qu'on doit respecter les liturgies etc. JA partage les idées que Wake a exprimées dans sa lettre à [Jean III] Sarasin du 9 janvier. Il recommande à Wake [Paul] L'Escot, ministre en Caroline, un honnête homme que JA connaît depuis sa plus tendre enfance puisqu'il a été son précepteur. Il se trouve actuellement dans une situation assez difficile (l'année dernière JA et certains de ses amis ont dû le secourir) et lui a avoué récemment son désir de rentrer et de s'établir en Angleterre. C'est un homme qui a beaucoup de qualité, qui connaît le latin, le grec et l'hébreu, qui parle un bon français, étant originaire de Paris, et qui maintenant parle sûrement assez bien l'anglais aussi et qui a expliqué plusieurs fois tous les bons auteurs. Son père avait enseigné les belles-lettres à Paris d'abord et à Genève ensuite. Il faudrait lui trouver un établissement en Angleterre. L'Église et l'Académie de Genève ont fait une grande perte avec la mort d'[Antoine I] Léger, un homme très habile et très modéré. Il a été remplacé par le parent de JA [Samuel Turrettini] que Wake a connu il y a quelques années; l'expéditeur attend beaucoup d'avantages de cette nomination. JA a chargé deux jeunes hommes, Pyniot et Grove [I], qui s'en retournent en Angleterre après des études à Genève, de remettre à Wake les œuvres de Werenfels [Opuscula], un Sermon de JA sur le jubilé de la Réformation zurichoise [1719] et des herbes vulnéraires. Pour le sermon, il a été poussé à le publier par ses amis zurichois; dans l'épître à Messieurs de Zurich, il a fait allusion au commerce de lettres que Bullinger a eu avec les réformateurs d'Angleterre et aux principes sages et modérés qui circulaient de part et d'autre. Il s'est risqué à donner tout cela aux jeunes gens bien qu'ils doivent passer par la France. On dit que dans ce pays il y a de grandes dispositions, en particulier chez les docteurs de la Sorbonne, à une espèce de Réformation; il paraît même qu'ils se seraient adressés à Wake pour avoir des conseils. Quel bonheur si tel était le cas!

Adresse

[Angleterre]


Lieux

Émission

Genève

Réception

Angleterre

Conservation

Oxford


Cités dans la lettre