Dautun prend la liberté d'écrire par la poste pour s'acquitter d'un acte de charité à l'égard d'un pauvre réfugié français, qui demeure à Lausanne et en faveur duquel il écrit à son frère à Morges. Il s'agit de quelqu'un qui était chantre, lecteur et maître d'école à la dernière Église que Dautun a servie. Dautun a reçu les thèses de JA [Cogitationes] qu'il a lues pour la deuxième fois: c'est la nature qui parle mais la nature savante et épurée des fatras de l'École. Il lui recommande de...
Lettre autographe, signée. Inédite. (F) Bibliothèque de Genève, Ms fr 486 (f.382-384)
je ne vous ecrirois
Dautun prend la liberté d'écrire par la poste pour s'acquitter d'un acte de charité à l'égard d'un pauvre réfugié français, qui demeure à Lausanne et en faveur duquel il écrit à son frère à Morges. Il s'agit de quelqu'un qui était chantre, lecteur et maître d'école à la dernière Église que Dautun a servie. Dautun a reçu les thèses de JA [Cogitationes] qu'il a lues pour la deuxième fois: c'est la nature qui parle mais la nature savante et épurée des fatras de l'École. Il lui recommande de prendre du repos pour sa santé. Quant à la sienne, elle décline chaque jour et il s'estime heureux de pouvoir encore se déplacer d'un bout à l'autre de la ville. On avait quelques espoirs d'obtenir des Électeurs la liberté d'exercice dans la ville et à cet effet le comte [Almelo] de Rechteren dressa un mémoire au nom de la reine d'Angleterre [Anne Stuart] et le leur présenta; mais, comme parmi ceux-ci il n'y en avait qu'un de réformé, ils refusèrent d'entrer en matière. On a vu ainsi les espoirs s'évanouir mais Dautun n'en avait en réalité point. Il en sera toujours de même à moins que le luthéranisme ne se radoucisse ou que des intérêts financiers ne l'emportent sur la haine. Il a rencontré mylord [Mordaunt] de Peterborough à cette occasion et n'a vu qu'un homme violent et emporté. Pour ce qui est de la religion, s'il en a une, il la garde dans l'âme. C'est le caractère des Anglais. Quant au nouvel empereur [Karl VI], il n'a pas eu l'honneur de le voir, sa vue de loin déclinant de plus en plus; en général, tout le monde est charmé par sa douceur et ses manières. C'est un prince bien aimé. Dautun a vu son entrée, qui a été impressionnante, et le couronnement, auquel il n'a pas assisté à cause d'une attaque de fièvre, a été encore plus magnifique puisque l'empereur a quitté le deuil pour cette occasion. Un jeune comte luthérien de 17 ans qui loge chez Dautun avec une suite de cinq personnes en incommodant beaucoup la famille, lui a dit, au retour de la cérémonie, s'être bien ennuyé. Heureusement la comtesse [Amélie Élisabeth de Wittelsbach] l'a exempté d'autres incommodités. Parmi les nombreux étrangers qui séjournent dans la ville, Dautun n'a presque plus noué de nouvelles relations à cause de ses conditions. Il a connu un abbé italien [Giardini], envoyé du duc de Modène [Rinaldo d’Este] pour soutenir les intérêts de celui-ci dans l'affaire de Comacchio; l'abbé l'a engagé à traduire en français un petit écrit italien qui soutient les intérêts de l'empereur et du duc contre le pape [Clément XI]. C'est un homme raisonnable et doux mais extrêmement ignorant; en voyant sur la table un ouvrage d'Augustin, il demanda si c'était un protestant. Il lui a fait hommage d'une écritoire en argent. Mais à Francfort il y a aussi beaucoup de prêtraille et de monacaille qui passe d'une religion à l'autre et fait des escroqueries, comme c'est le cas d'un certain Berdeschi, moine italien de Parme, qui a été assisté à Francfort d'abord et à Kassel ensuite, avant de faire la paix avec le neveu [Annibale Albani] du pape. Il est actuellement en prison mais il y a d'autres fripons qui se retirent ici. Dautun renvoie à ses banquiers le billet qu'il avait pour une somme dont il a retiré une partie; il lui en faudrait un autre mis à jour.