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Lettre 2194 de Samuel Turrettini Ă  Jean-Alphonse Turrettini

Leyde 19.06.1711

J'ai recû à Leyde

Turrettini est à Leyde depuis 15 jours et a reçu la deuxième lettre de JA. Il le remercie de tout ce qu'il fait pour lui. Il espère que le repos que JA prendra cette année l'aidera à se rétablir. Il vaut mieux être privé pour quelque temps de ses leçons (même si c'est une grande perte) plutôt que de voir sa santé, si précieuse, s'abîmer. À Leyde, il y a trois professeurs de théologie, van Til, [Johannes] Marck et [Franciscus] Fabricius. Le premier est un grand coccéien mais son grand âge l'empêc...

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Leyde 19.06.1711


Lettre autographe, signée, adressée. (F)
Archives de la Fondation Turrettini (Genève), 1/Gd.T.21

Budé, Lettres, III, p.360-364.


J'ai recû à Leyde


Turrettini est à Leyde depuis 15 jours et a reçu la deuxième lettre de JA. Il le remercie de tout ce qu'il fait pour lui. Il espère que le repos que JA prendra cette année l'aidera à se rétablir. Il vaut mieux être privé pour quelque temps de ses leçons (même si c'est une grande perte) plutôt que de voir sa santé, si précieuse, s'abîmer. À Leyde, il y a trois professeurs de théologie, van Til, [Johannes] Marck et [Franciscus] Fabricius. Le premier est un grand coccéien mais son grand âge l'empêche de faire les leçons; le deuxième est adepte du parti de Voetius; le troisième est aussi coccéien mais très modéré et raisonnable. On ne songe pas à donner de successeur à Witsius. Les autres enseignants sont Heyman, qui enseigne les langues orientales qu'il a apprises à Smyrne; Perizonius, professeur en belles-lettres de grec et d'histoire; [Jacob] Gronovius, qui a la même charge et exerce actuellement aussi celle de recteur. Ce dernier est un homme très vif, qui enseigne avec beaucoup de feu et de chaleur. Perizonius vient de publier un livre en deux volumes intitulé Origines Ægyptiacæ où il prétend corriger les chronologies d'Ussher, [Louis] Cappel, Marsham et Pezron. Pour la philosophie il n'y a qu'un certain Senguerd. Ces messieurs n'aiment pas suffisamment [Jacques] Bernard pour lui conférer le titre de professeur de philosophie et l'admettre ainsi au Conseil académique. Il doit se contenter d'exercer les fonctions de cette charge avec le titre de lecteur et des gages bien modestes. À la faculté de droit, il y a [Johannes] Voet, Noodt et [Philippus Reinhardus] Vitriarius, qui a perdu une fille [Jeanne-Renée] juste avant l'arrivée de Turrettini. Il ne connaît pas assez la faculté de médecine pour lui en parler; il signale seulement que Bidloo est considéré comme très habile. L'Église française a quatre pasteurs, Malnoë, [Louis] Bénion, [Jean] Barbin et Bernard. Turrettini a remis à celui-ci les thèses [Cogitationes] et les harangues [Orationes] ; il en a été content mais il a ajouté qu'elles passeront pour hérétiques ici puisqu'elles ne sont pas conformes à la religion du pays; il a lui-même trouvé équivoque celle sur la trinité. Bernard a abandonné la République des Lettres [Nouvelles de la République des Lettres] à cause des Collèges et des prédications qu'il doit faire. Il pourra, à la place, publier quelques traités de morale et des dissertations sur des passages difficiles de l'Écriture. Turrettini l'a vu à plusieurs reprises. Dans ce pays on est encore très rigide. L'histoire de [David] Durand, qui a dû comparaître au synode pour quelques légers soupçons d'arminianisme, montre qu'on s'échauffe encore beaucoup sur ces choses. Les ministres d'Amsterdam sont très zélés et accusent d'hérésie ceux qui, par leur habileté, leur portent ombrage. Il y a quelques années, pour ce motif, assure-t-on, ils ont fait un grand procès à Viguier, ministre réfugié, accusé d'avoir dit, dans une de ses prédications, qu'on ne pouvait pas être justifié sans faire de bonnes œuvres. Ils se sont plaints récemment de la même chose au sujet d'une prédication de Chion. Les ministres français de Leyde sont un peu plus modérés; Bernard expose, dans ses sermons, ses idées de façon très nette, ce qui fait dire à Marck qu'il affecte de dire toujours des choses singulières. Bernard fait quand même très attention à ne rien dire qui pourrait faire scandale et il réfute très souvent les sociniens. Bénion est très proche de Bernard. Malnoë et Barbin expriment les idées ordinaires mais sans s'échauffer. Les professeurs de théologie suivent leur chemin sans le moindre écart. Marck lui a dit un jour qu'il n'avait pas de craintes au sujet de l'arminianisme qui est un parti peu important; il s'oppose plutôt aux progrès du coccéianisme. L'Académie de Genève n'a pas une très bonne réputation puisqu'on la soupçonne de penchants pour l'arminianisme; c'est l'idée qu'on s'en fait à Amsterdam mai"s c'est aussi celle d'ici, comme Bernard le lui a dit. Les professeurs en théologie n'ont rien fait transparaître de tout cela avec Turrettini; il n'y a que Perizonius et Barbin qui lui aient fait sentir quelque chose. Turrettini se tient du reste dans une grande prudence; quand on l'a invité à opposer dans une dispute publique qu'on faisait sous Marck, il a volontairement laissé tomber les points délicats et s'est attaqué à deux points tout à fait indifférents. Après Leyde, il passera à La Haye. On a attendu pendant deux ou trois jours le prince Eugène qui doit aller commander du côté du Rhin.

Adresse

Genève


Lieux

Émission

Leyde

RĂ©ception

Genève

Conservation

Genève


Cités dans la lettre

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