Lettre 1356 de Louis Longuerue Dufour à Jean-Alphonse Turrettini

Lettre autographe, signée, adressée. Inédite. (F)
Bibliothèque de Genève, Ms fr 488 (f.73-75)

J'ay eu beaucoup de deplaisir

De Longuerue a appris le mauvais état de santé de JA et lui conseille de renoncer à sa chaire pendant un certain temps et d'arrêter les études, ce qu'il doit du reste faire lui-même. Il l'engage à laisser de côté sa dissertation sur les jeux séculaires ; mais ces propos n'ont pas pour but de lui permettre de se soustraire à la question que JA lui avait adressée et à laquelle il va donc répondre. Il y a des preuves positives démontrant que les jeux séculaires ont été institués pour détourner la peste; la coûtume de célébrer des jeux en l'honneur des morts est très ancienne parmi les Grecs et les Romains. Il faut que JA se limite à utiliser ce qui est attesté par les anciens monuments plutôt que d'essayer de faire des déductions; c'est une perte de temps. Pour la périodicité des jeux, il n'existait rien d'établi parmi les Romains et chaque empereur interprétait les lois à sa façon. Il donne maints détails à ce propos, parcourant l'histoire des jeux d'Auguste jusqu'au Moyen Âge, et relève en passant les fautes commises par certains historiens comme [Antoine I] Pagi ou [William I] Lloyd. De Longuerue constate avec plaisir que JA aussi a relevé les fautes grossières dont sont parsemées les éditions de Vaillant faites par les Huguetans. Ces imprimeurs ont offert à de de Longuerue de faire une édition de Dion Cassius avec des commentaires historiques «antipedantesques». Il aimerait bien le faire mais il hésite à leur donner un travail dont l'impression ne sera pas aisée. Il fournit ensuite la liste de certains ouvrages de Vaillant [Numismata imperatorum romanorum; Numismata ærea in coloniis; Numismata a populis romanæ ditionis græce loquentibus percussa; Seleucidarum imperium; Selectiora numismata] et annonce la parution prochaine des familles romaines du même auteur. Vaillant espère donner ensuite le recueil rare des médailles des Arsacides. De Longuerue lui-même lui a donné la chronique qu'il a faite des grands monarques arsacides dont ses amis, Lloyd et [Pierre I] Allix, possèdent une copie [Annales Arsacidarum]. Le premier l'a honoré de son approbation et Vaillant a dit avoir l'intention de le publier. De Longuerue le laisse libre d'agir mais il tient à ne pas être nommé et recommande à JA d'être discret pour ce qui le concerne. Il a obligé Pagi à la même discrétion; il a travaillé pour lui dix années durant et avant sa mort, ce père lui rendit l'équivalent de deux tomes in-folio de papiers que de de Longuerue lui avait passés. Pour ce qui est de Vaillant, il est à présent très occupé non seulement à cause de ses livres mais aussi à cause de la nouvelle Académie des Inscriptions dont il s'occupe déjà, quoi qu'il ne reçoive pas encore de pension. L'imprimerie royale n'imprime que les livres des gens qui ou bien sollicitent ou bien sont sollicités et il faut perdre beaucoup de temps dans l'antichambre de l'abbé Bignon qui en est le maître et qui ne connaît que ceux qui vont souvent chez lui. Le commerce des médailles languit et il n'y a que les commissaires de l'intendant de Basse Normandie Foucaut qui en achètent, ce qui fait que celui-ci a la plus belle collection après celle du roi [Louis XIV]. Il faut espérer que la nouvelle Académie des Inscriptions avivera l'intérêt des gens; il paraît par contre qu'on s'intéresse beaucoup aux médailles en Angleterre. Vaillant lui a montré toutes les fautes, énormes, qu'il a trouvées dans ses ouvrages imprimées en Hollande; il semble que les Huguetans quand ils ont de la peine à lire une ligne la sautent ou mettent des points à la place de certains mots. C'est une chose qui fait crier vengeance et si cela dure ces imprimeurs perdront à tout jamais leur réputation et leur argent. Vaillant travaille aux errata et à une table des Ptolémées mais il doute qu'ils l'impriment. Personne n'est venu chercher le Chrysostome [Les"homélies sur les lettres de Saint Paul] pour JA et de de Longuerue partira dans huit jours; il reviendra pour la Toussaint. Il n'y a pas de cartes nouvelles des États de Milan, de Venise et de Mantoue.

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Genève

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