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Lettre 2080 de Albert Meer à Jean-Alphonse Turrettini

Turin 12.04.1710

J'ay receu l'honneur

Van der Meer a reçu la lettre de JA dans laquelle celui-ci souhaite que Son Altesse Royale [Victor-Amédée II] accorde aux Vaudois une liberté de conscience plus grande que celle dont ils jouissent actuellement en vertu de l'Édit [du 23.5.1694]. L'expéditeur pense que la démarche serait inutile au moment où l'on a rétabli les Vaudois dans leur premier état et où on leur a permis de retourner à leur première religion. La demande d'une plus grande liberté de conscience semblerait suspecte, c...

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Lettre 2080 de Albert Meer à Jean-Alphonse Turrettini

Turin 12.04.1710


Lettre autographe, signée. Inédite. (F)
Bibliothèque de Genève, Ms fr 493 (f.266)


J'ay receu l'honneur


Van der Meer a reçu la lettre de JA dans laquelle celui-ci souhaite que Son Altesse Royale [Victor-Amédée II] accorde aux Vaudois une liberté de conscience plus grande que celle dont ils jouissent actuellement en vertu de l'Édit [du 23.5.1694]. L'expéditeur pense que la démarche serait inutile au moment où l'on a rétabli les Vaudois dans leur premier état et où on leur a permis de retourner à leur première religion. La demande d'une plus grande liberté de conscience semblerait suspecte, comme si on voulait ouvrir la porte aux moines mécontents et créer par là des troubles. Une plus grande liberté de conscience aurait pour conséquence que chacun, suivant sa volonté, pourrait changer de religion et se retirer dans les Vallées, ce qui créerait beaucoup de difficultés dans un pays d'inquisition comme celui-ci et détruirait l'autorité du tribunal. Quand feu le comte de Briançon a dit que cela serait très facile à obtenir, il a parlé davantage en habile ministre qu'en homme sincère. Ces affaires sont en effet très délicates ici et Son Altesse Royale ne prendrait jamais une telle décision sans consulter son directeur de conscience et les casuistes, dont le correspondant peut bien juger quel serait l'avis. Il faut donc plutôt s'employer à maintenir l'acquis et, s'il y a des moines qui veulent sincèrement changer de religion, il y a assez de pays protestants qui pourront les accueillir et où ils pourront subsister alors que les Vallées sont très pauvres et qu'on ne peut y gagner sa vie qu'en travaillant de ses mains. Galway se souviendra sûrement des difficultés qui ont accompagné la négociation de l'Édit de rétablissement. Selon les informations que celui-ci a reçues, il y aurait du relâchement dans les mœurs des Vaudois. Il se peut que cela suive l'effet de la guerre mais van der Meer n'a pas entendu de plaintes de la part des pasteurs. Il y a eu des dissensions à propos des deux Appia [Cyprien et Paul I] reçus en Angleterre et que le synode voulait assigner à prêcher sur des textes donnés avant que de leur donner des Églises, ce qu'ils ont refusé. Mais il y a eu depuis un arrangement, même si l'affaire a créé beaucoup d'aigreur, le synode voulant appliquer la discipline réservée aux ministres venant de l'étranger, les deux autres pensant à tort que, puisqu'ils venaient d'Angleterre et que la reine [Anne Stuart] contribuait à l'entretien des ministres, ils pouvaient imposer leur loi. Il serait souhaitable que la reine eût la charité d'augmenter les fonds pour l'entretien des pasteurs, car il en manque beaucoup; il n'y en a pas du tout dans la vallée de Saint-Martin et il en faudra à la vallée de Pragela aux Églises qui obtiendront la permission de se réunir publiquement; leur nombre augmente chaque jour. C'est de cela qu'il faudra convenir lors du traité de paix et de la restitution des biens des protestants puisque, quand il se retirèrent, leurs biens furent donnés, par l'édit du roi de France [Louis XIV], à ceux de leurs parents qui étaient catholiques. Si on ne règle pas cet article, ceux-ci pourront rester en possession de ces biens, ce qui ne manquerait pas de provoquer moult problèmes et dans les familles et avec le fisc qui pourrait leur enlever ces biens s'ils changeaient de religion. Ceux qui ont écrit que Son Altesse Royale refuse la liberté de conscience aux habitants de cette vallée, ont dit faux puisqu'il la reconnaît. Il est vrai qu'il n'a pas fait publier l'Édit mais il ne peut pas le faire tant que sa possession n'est pas confirmée par un traité. Il est aussi vrai qu'il n'a pas permis pour le moment la prédication pour des raisons dont la reine et Leurs Hautes Puissances [Provinces-Unies] sont informées et qui subsistent encore mais cela pourrait être surmonté dans le traité de paix. Les habitants de la vallée de Pragela peuvent aller assister aux exercices des vallées de Lucerne et de Saint-Martin.

Adresse

[Genève]


Lieux

Émission

Turin

Réception

Genève

Conservation

Genève


Cités dans la lettre

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